Friedrich A. Hayek:Hayek et Burke

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Friedrich A. Hayek
1899-1992
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Auteur libéral classique
Citations
« La liberté, laissée à chacun d'utiliser les informations dont il dispose ou son environnement pour poursuivre ses propres desseins, est le seul système qui permette d'assurer la mobilisation la plus optimale possible de l'ensemble des connaissances dispersées dans le corps social. »
« Laisser la loi aux mains de gouvernants élus, c'est confier le pot de crème à la garde du chat. »
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Friedrich A. Hayek:Hayek et Burke
Le libéralisme de Edmund Burke et F. Hayek
Une comparaison critique


Anonyme
Analyse de Linda C. Raeder


Edmund Burke, le défenseur passionné des "principes anciens"(1) de ses ancêtres, aurait été surpris de découvrir qu'il a initié une école contemporaine de pensée politique. Au dire de beaucoup, cependant, il est "le fondateur moderne du conservatisme politique"(2), et des générations de "conservateurs" ou de "libéraux" selon le sens que l'on donne à ces deux termes, ont trouvé dans sa vie et son oeuvre une importante source de sagesse politique et philosophique. Certes, Burke était bien sûr un homme politique et non un philosophe, et il n'a jamais rien écrit qui pourrait être assimilé à un traité de philosophie politique. Néanmoins, il adopta un credo politique logique, qui gouverna tous les actes politiques de sa vie. La thèse de cet essai est que le credo poltique implicite de Burke est, à bien des aspects, la doctrine reformulée au XXe siècle par le philosophe Hayek. Ce dernier avait pour aspiration de "réaffirmer"(3) et de systématiser les principes dont seule la stricte observance a généré le gouvernement constitutionnel occidental et la société libre. Les principes libéraux classiques de Hayek furent aussi ceux qui inspirèrent et guidèrent Burke. Burke et Hayek, représentent la même tradition politique. Ils ne souscrivent pas seulement à la même philosophie, mais au surplus ils partagent des vues similaires au sujet de la nature de la société, du rôle de la raison, des tâches adéquates du gouvernement, et, dans une certaine mesure, au sujet de la nature des règles du droit et de la morale. Bien qu'il y ait des différences entre leurs deux conceptions, différences qui tiennent au christianisme orthodoxe de Burke et à l'agnosticisme de Hayek, leur similarité et bien plus marquée que leurs désaccords. Comme le dit Hayek, Burke tout comme lui restent des "Whigs impénitents"(4).

Les racines Whigs des philosophies hayékiennes et burkéennes

Le crédo politique auquel Burke et Hayek souscrivent - la doctrine des anciens Whigs - était une ramification du conflit qui a culminé avec la Glorieuse révolution de 1688. Les Whigs étaient alors unis par une passion commune, la haine du pouvoir arbitraire, et l'empêchement de l'action arbitraire de l'Etat est resté le guide de leur pratique politique. Le thème de base autour duquel le whiggisme a été identifié et formalisé date de 1610 : "Il n'y a rien que nous estimons plus précieux que d'être guidé et gouverné selon un règne de la loi certain, et non pas une forme arbitraire de gouvernement, en opposition avec les lois générales reçues"(6)(7). Selon John Locke, les Whigs se battaient pour "La liberté d'avoir une règle de vie sûre, commune à tous les membres de la société ; pour la liberté de suivre sa propre volonté en toutes choses que les règles n'interdisent pas ; et pour ne pas être le sujet de la volonté arbitraire, inconstante, incertaine, de quelqu'un d'autre. Quiconque a le pouvoir législatif ou suprême d'une communauté doit être lié par des règles établies, promulguées et connues de toutes et tous, et non par des décrets improvisés [...] Même le législateur n'a pas de pouvoir arbitraire absolu, mais doit rendre la justice, tandis que le pouvoir executif ne doit pas avoir d'autre pouvoir que celui d'exécuter la loi. [...] Le but ultime est de limiter le pouvoir et de modérer la domination de chaque membre de la société" (8).

Bien que la traduction des idéaux whigs en lois et politiques fut inévitablement un processus lent et imparfait, ces principes eux-mêmes cessèrent d'être un sujet de dispute (9) au moment où apparut Burke. De surcroît, Burke dépensa une énergie considérable pour institutionnaliser la doctrine whig ; il occupa la majeure partie de sa vie politique à s'efforcer de réformer l'esprit de la loi britannique. (10)

Le lecteur contemporain ne peut pas comprendre la philosophie politique de Burke à moins qu'il ne connaisse les conceptions whigs de la liberté et du droit. La liberté, au sens whig, a un sens précis : c'est l'absence de coercition, qu'elle émane de la Couronne, du Parlement, ou du peuple. Une telle liberté ne peut être assurée, selon les Whigs, que par un strict respect du règne de la loi, c'est-à-dire de "quelque chose de permanent, uniforme et universel et non un ordre soudain et provisoire d'un supérieur ou concernant une personne particulière" (11). Notons que la conception de la liberté à laquelle Burke et Hayek adhèrent n'a rien à voir avec la conception française de la liberté (12) -- "liberté politique" au sens de participation à la détermination des lois et des politiques (13). Cette conception n'a pas plus de lien avec la "liberté intérieure" ou une conception de la liberté comme pouvoir d'agir. Pour des Whigs tels que Burke et Hayek, le seul type de liberté qui peut être assuré par un ordre politique est la liberté au sens de liberté contre la coercition.

La nature de la société

Les pensées politiques de Burke et Hayek sont intimement liées à leur compréhension commune de la nature de la société, une compréhension profondément influencée par les Lumières écossaises. Des philosophes comme Adam Ferguson, David Hume et Adam Smith ont conçu la société comme une toile complexe d'institutions - loi, coutumes (14), morale, usages - dont le résultat est un "processus de croissance cumulative" (15) par lequel l'homme est passé d'une sauvagerie primitive à un haut niveau de culture et de civilisation. Dans une telle conception, l'ordre social apparaît comme le produit du jeu réciproque d'institutions en développement, d'habitudes et de coutumes, de loi objective, et de forces sociales impersonnelles. Dans l'opinion de leurs contemporains, les philosophes écossais ont "transformé presque tout ce qui a été imputé précédemment aux institutions positives en un irrésistible et spontané développement de certains principes évidents, et ont montré à quel point une petite adaptation de la sagesse politique provoque et crée des systèmes apparemment artificiels et complexes." (16)

Les pensées de Burke tout comme de Hayek furent largement inspirées de ces conceptions. Tous deux considéraient les institutions sociales comme le produit d'un processus historique complexe caractérisé par une suite d'expérimentations, d'essais et d'erreurs. Tous deux ont souligné que les conditions du développement humain doivent être cultivées par la compréhension des forces qui soutiennent l'ordre social. Chez Burke, cela implique des jugements fins, de la "prudence" (17), du respect pour l'inné et pour l'acquis. A ses yeux, la société civilisée vivait une croissance fragile ; l'ingérence arrogante et présomptueuse, inspirée par des "spéculations visionnaires" (18), menace de déranger la délicate toile et de défaire le travail du temps, d'éroder les "préjugés" transmis qui ont soutenu la société civilisée contre la barbarie. Burke comme son descendant Hayek rejetaient les poussées non guidées et antisociales qui subsistent en-deça de la civilité humaine ; et tous deux s'efforçaient de réfuter toutes les doctrines qui prônaient que des règles sociales "représsives et inhibitives" (19) permettaient aux hommes de vivre ensemble en paix. Ainsi le conservatisme de Burke, son profond respect, sinon sa révérence, pour un modèle auto-généré et compliqué, prenait appui sur la constitution britannique. Cette dernière était pour lui la fondation des "anciennes, indiscutables lois et libertés" des Anglais ; il savait que le "trésor de la liberté" n'était guère un droit naturel, mais le produit chèrement gagné de l'évolution. Comme nous le verrons, l'attitude révérentielle de Burke à l'égard de la société était accentuée par ses convictions religieuses. Les société particulières étaient pour lui des phénomènes spirituels, "des clauses du grand contrat originel de la société éternelle" (20) ; rien ne pouvait être manipulé et contrôlé par des métaphysiciens agités et prétentieux.

Tout ce que nous venons de dire sur la révérence de Burke à l'égard de la société peut être dit à propos de Hayek également, à une notable exception près : la révérence de Hayek vis-à-vis de l'ordre social croissant ne dérive par d'une croyance religieuse, mais de son amour personnel de la liberté et de son désir de connaissance avancée. Pour Hayek, comme pour Burke, les institutions de la liberté émergent d'une évolution spontanée, laquelle dépend d'une connaissance encastrée dans des traditions et institutions héritées. Il était charmé par un merveilleux ordre complexe auto-généré par un processus supra-rationnel et voulait le défendre contre le rationnalisme qui refuse de comprendre la signification des traditions et de la coutume. Pour Burke, la société en évolution historique était, par essence, un phénomène spirituel ; pour Hayek, c'est un vecteur de la connaissance et du développement du potentiel humain.

L'objet de Hayek, peut-on dire, était de "compléter" la pensée de Burke : pour donner un support scientifique à la politique conservatrice de Burke ; pour justifier sa révérence à l'égard du développement des traditions culturelles ; pour expliquer plus précisément pourquoi et en quel sens "l'individu est absurde [...] mais les espèces sont sages". Hayek était profondément frappé par la perspicacité de Burke au sujet de la connaissance cumulative, incarnation des règles et institutions héritées et des expériences des générations précédentes, et il développa cette idée dans une théorie élaborée de l'évolution culturelle (21). Le processus d'avancée culturelle dépend totalement de l'absorption et de la transmission de l'héritage culturel dans le temps. Selon Hayek, les traditions reçues ne sont pas seulement le fondement de la société civilisée, mais aussi le fondement de la structure de l'esprit, de la raison, des valeurs morales, du langage, de la perception, du comportement - en bref, de toutes les règles apprises dont le respect distingue l'homme de l'animal. Pour Hayek comme pour Burke, le renvoi dédaigneux de la tradition "irrationnelle", le désir de faire du passé table rase et de bâtir une nouvelle société, témoigne seulement d'une ignorance profonde de la nature de la réalité humaine.

Le rôle de la raison dans les affaires humaines

Peut-être les pensées de Hayek et de Burke sont-elles exactement conformes au sujet du rôle qu'ils accordent à la raison dans les affaires humaines : leurs vues sont si proches qu'on peut dire que les propos de Hayek ne sont qu'une élaboration, plus vaste, de la pensée burkéenne. Hayek a développé plusieurs des points les plus cruciaux de Burke : 1) la primauté de l'expérience sociale (ou "tradition") sur la raison ; 2) l'idée que les institutions sociales héritées créent une "sagesse super-individuelle" (22) qui transcende ce que la raison consciente peut connaître ; 3) l'impuissance de la raison à définir un ordre social viable. Hayek a appris de Burke, en fait, que la civilisation n'est pas la création d'un esprit raisonnant, mais le résultat inattendu et involontaire du jeu spontané d'innombrables esprits, à l'intérieur d'une matrice de valeurs, de croyances et de traditions non rationnelles ou supra rationnelles. La théorie de Burke sur le rôle limité de la raison au sein du processus social n'est rien de moins qu'une pierre angulaire de l'édifice théorique hayékien.

Burke et Hayek, ainsi, partagent un ennemi commun autant qu'une logique commune : le rationnalisme de Lumières. La caractéristique majeure des Lumières est peut-être son abaissement arrogant de la tradition "irrationnelle" au rang de superstition et préjugé. Pour les Lumières, les valeurs héritées, les institutions, et les coutumes sont la personnification de l'ignorance. La "raison" est l'instrument qui libérera l'homme des chaînes de l'oppression. Ainsi, la "raison" individuelle devait souscrire à une plus profonde et constructive autorité.

Hayek objectait, et Burke aurait certainement souscrit, qu'il y a une "intelligence" incorporée dans le système de règles de conduite héritées, aussi bien que dans la pensée (explicite) de son environnement". (23) Pour Burke et Hayek la rationalité est autant un attribut du processus social que de l'individu, une qualité que l'on trouve "non seulement dans la conscience individuelle mais aussi dans le réseau des institutions sociales" (24). L'aspect crucial est que "les hommes ne sont jamais seulement guidés, dans leur conduite, par la compréhension rationnelle et consciente [...] mais aussi toujours par des règles de conduite dont ils sont rarement conscients, et qu'ils n'ont certainement pas consciemment inventés." (25)

Burke perçoit les Lumières, selon la formule d'un de ses interprêtes, comme "un mouvement destructeur de l'intelligence humaine, une intelligence libre de toute retenue sociale, convaincue de pouvoir remodeler la société" (26) de la manière qu'elle souhaite. Hayek voit dans le même phénomène - la mentalité "constructiviste" qui ne limite pas l'autorité ou la compétence de la raison humaine - une grave menace contre la préservation de l'ordre civilisé. La préservation du gouvernement libre et de la société civilisée dépend de la bonne volonté d'être gouverné par certaines règles de conduite individuelle et collective héritées, dont l'origine, la fonction et le motif ne peuvent être totalement appréhendés. La dédain rationaliste de la tradition, au contraire, est généralement accompagné de la demande d'une reconstruction radicale de la morale traditionnelle et des règles légales ; de Rousseau à Rawls, la construction d'une nouvelle morale et d'un système légal a été une préoccupation majeure des théoriciens de la société. Rien n'est plus étranger à la pensée rationnaliste que l'idée selon laquelle l'homme ne serait pas libre de déterminer ou de "choisir" son éthique ou son système légal ; la pensée moderne n'a conservé qu'une petite trace de cette "forte impression d'ignorance et d'imperfection des hommes" (27) qui a longtemps servi à ébranler l'assurance rationnaliste. Hayek comme Burke notent que l'effort de destruction des coutumes héritées, de la morale, and des préjugés détruira aussi la société libérale engendrée et soutenue par de tels phénomènes.

Hayek souligne, qui plus est, que la confiance exagérée en le pouvoir constructif de la raison qui endigue l'ignorance dégénère forcément en une demande visant à rationnaliser le processus social à travers l'action coercitive de l'Etat. Restreindre l'action des hommes à ce qui est en accord avec les conceptions de la "rationalité autorisée" uniquement étoufferait cependant le processus d'essais et d'erreurs par lequel l'humanité progresse ; éliminer la spontanéité induira le déclin et de l'intelligence humaine et de la civilisation, car tous deux progressent par une lutte contre l'inconnu et l'imprévisible. Ainsi, comme le reconnaît Burke, nous avons de bonnes raisons d'être effrayés par l'idée de "laisser les hommes vivre et commercer avec leur seule raison personnelle, et avec l'idée que les individus sont plus utiles en eux-mêmes qu'avec le capital du temps et des nations" (28). La raison, disent Burke et Hayek, "est comme un dangereux explosif qui, manié avec précaution, peut être très bénéfique, mais qui, sinon, peut faire exploser la civilisation" (29).

L'économie

Burke et Hayek proviennent de la même école autant en économie qu'en philosophie. Hayek, l'un des plus grands thuriféraires du processus de marché au XXe siècle, soulignait les dangers consistant à mélanger l'autorité et la toile des relations économiques. Burke fut également un défenseur vigoureux de la libre entreprise : "Le jour où l'Etat s'occupera du marché", prévenait-il, "les principes du marché seront subvertis". (30) En effet, Burke et Hayek opposèrent au manipulations gouvernementales du marché la même objection whig : non seulement ces "interpositions" violent les "lois du commerce" -- "les règles et principes des intérêts concurrents et des avantages compromis" -- mais au surplus elles sont nécessairement arbitraires et par conséquent destructrices de la liberté et de la justice (32).

On peut supposer que Burke serait aussi dérangé par les politiques contemporaines de redistribution que le fut Hayek. "Les égalisations obligatoires", dans l'esprit de Burke, signifient simplement "égal besoin, égale misère, égale mendicité" (33). Et il aurait sûrment rejoint Hayek dans sa résistance à "l'interférence universelle officieuse" (34) du gouvernement moderne : "Il est préférable de chérir la vertu et l'humanité", disait-il, "en laissant vivre la liberté, même certaines pertes, plutôt que tenter de faire des hommes des machines et les instruments de la bienvieillance politique. Le monde gagnera à cette liberté sans laquelle la vertu n'existe pas" (35).

Curieusement, compte tenu du respect jaloux de beaucoup de "conservateurs" contemporains du mécanisme de marché, Burke, le "père du conservatisme", a adopté une attitude beaucoup plus empreinte de "laissez-faire" au sujet du rôle du gouvernement dans les affaires économiques que Hayek, souvent caricaturé comme un extrémiste du marché libre. Burke, par exemple, croyait que les efforts pour améliorer le sort des pauvres pourraient être entrepris exclusivement par la charité privée -- le deuxième devoir chrétien, après le "paiement des dettes". (37)

Mon opinion, dit Burke, est contre l'exagération de toute administration et, plus spécialement, contre la plus monstrueuse de toutes les ingérences de l'autorité : l'ingérence dans les existences des gens [...] On peut courageusement résister à l'idée, spéculative ou pratique, selon laquelle il est de la compétence du gouvernement d'approvisionner les pauvres. [...] Subvenir à nos besoins n'est pas du pouvoir de l'Etat. Ce serait un espoir vain placé dans les fonctionnaires que de penser qu'ils pourraient le faire. Le peuple les maintient ; ils ne sont pas le peuple. La logique de l'Etat est de prévenir tout danger ; il s'acquitte très mal de cette tâche, et peut être également de bien d'autres. (38)

Hayek également pense que le gouvernement "fait très peu de choses positives". Pourtant il ne s'oppose pas à ce que l'Etat produise une large gamme de biens et services, aussi longtemps que cette production n'aboutisse pas à une distortion des signaux du marché. Pour Hayek, ce n'est pas la quantité ou le type de services produits mais la méthode de production que l'Etat emploie qui importe. (39)

Significativement, Burke et Hayek étaient attentifs à ce que l'activité gouvernementale serve à maintenir une "totalité consistente" -- un ordre social cohérent "dont les parties ne sont pas en conflit" (40) -- une intégrité, pensaient-ils, qui est générée et soutenue par l'application ferme de certains principes atemporels. Selon Burke, "les meilleurs législateurs ont été souvent satisfaits par l'établissement de principes de gouvernement sûrs, solides et souverains [...] et, ayant fixé le principe, ils en ont laissé l'application". (41) Hayek, le théoricien moderne de l'ordre spontané, ne l'aurait pas mieux dit. Il insistait plus sur le fait que l'application simultanée de principes inconciliables -- le "principe" de "l'intervention", et le principe du marché -- ne peut jamais produire un ordre cohérent. (42)

Les options économiques de Burke et Hayek diffèrent cependant sur un aspect fondamental. Pour Burke, "les lois du commerce [...] sont les lois de la nature, et par conséquent les lois de Dieu" (43). En d'autres termes, il assimilait les lois de l'économie à une manifestation de la Providence par laquelle "le bon et sage Dispenseur oblige les hommes, qu'ils le veuillent ou non, à poursuivre leurs intérêts égoïstes, à joindre le bien général et leur succès individuel". (44) Violer de telles lois était pour Burke comme violer la volonté de Dieu. Ainsi il suggéra que les efforts visant à dépasser le marché spontané sont des sacrilèges ; la besoin économique semblait pour lui une forme de révélation de la volonté de Dieu, et "la tentative d'adoucir le mécontentement Divin" (45) par des adaptations humaines, présomptueuse. Hayek, a contrario, évite toute référence à la transcendance ; pour lui la source de l'ordre social est entièrement immanent. L'ordre hayékien est un modèle non intentionnel mais objectif, généré par l'évolution historique et le comportement acquis -- opinion, habitude, coutume, langage, morale, convention -- des gens.

La politique et la religion

Bien que les points de vue de Burke et de Hayek en matière de politique, d'économie et de pensée sociétale soient très similaires, il reste malgré tout des différences entre eux. La plus importante est leur attitude à l'égard de la société et de son gouvernement, et leurs visions de la source ultime de la morale et du droit. Ces deux points sont relayés par l'opposition de leur croyance religieuse.

Bien que Burke, chretien orthodoxe, identifie la société civile comme le résultat d'un processus historique complexe, il considère que ce processus est en lui-même l'ouvrage de Dieu, une providence (46), par laquelle Dieu imprime Sa volonté sur l'histoire humaine. Burke, ainsi, croit en un ordre naturel mais providentiel, en l'existence d'un plan divin qui se manifeste à travers l'évolution historique des sociétés concrètes et particulières. Par conséquent, il pense que l'Etat, selon le mot de l'un de ses commentateurs, est "par nature et indéniablement sacré" (47), un moyen divin du perfectionnement humain : "Celui qui nous a donné une nature que notre vertu doit perfectionner, nous a également donné le moyen nécessaire de cette perfection. Il nous a donc donné l'Etat". (48)

Pour Burke, le fondement ultime de la société civile est religieux. Il croit que Dieu a mis chaque personne à sa "place idéale" (49), que seul le consentement à Sa volonté peut induire la paix et le contentement parmi le constitutionnel et irrémédiablement inégal ordre social, et que seul un peuple qui craint Dieu est capable de prolonger le degré de moralité indispensable au maintien du gouvernement libre. Les élus et les fonctionnaire, conseille-t-il, devraient considérer que leur mandat est une foi, et même une "fonction sacrée", dont ils devront répondre devant Dieu : "Tous ceux qui possèdent une parcelle du pouvoir [...] doivent être fortement et terriblement imprégnés de l'idée qu'ils agissent avec foi, et qu'ils devront rendre compte de leur conduite au grand Maître, Auteur et Fondateur de la société." (50). Il était convaincu, au demeurant, qu'une conscience religieuse hautement développée est indispensable pour la continuité de cet état, nécessaire pour forger le lien sacré entre les générations, sans quoi elle "se transformerait en poussière de l'individualité, et serait au fil du temps dispersée par tous les vents des cieux." (51). En un mot, la foi politique semblait à Burke plus assurée si "toute la vie nationale recevait avec respectun Pouvoir pour qui le passé, le présent et le futur ne sont que des scènes d'un théâtre divin" (52).

Tout cela est loin de la conception hayékienne du gouvernement de la société. Bien qu'il vénère la croissance historique de la société (53), tout comme Burke, et bien qu'il partage largement la passion de ce dernier pour le bon gouvernement, Hayek est agnostique qui considère certainement que l'Etat "consacré"(54) de Burke est oppressif ; pour Hayek, le spirituel et le temporel sont deux ordre entièrement distincts. (55) Il n'accepte pas la croyance de Burke selon laquelle "Dieu a voulu l'Etat" ; pour lui, une telle conception amène volontairement à une interprétation dangereuse : une ou plusieurs volontés humaines particulières peuvent diriger la société. En d'autres termes, il a peur que l'attribution de la source de l'ordre en une Volonté Divine puisse conduire à l'interprétation anthropomorphique que cette Volonté est la "volonté de la société" (qui est, en fait, la volonté d'être humains particuliers), et qu'elle puisse susciter des efforts pernicieux de la part de gens qui voudront contrôler le processus social par leur direction consciente. Ceci, pense-t-il, serait fatal non seulement pour la liberté humaine mais pour la survie de la civilisation avancée elle-même.

Le droit

Bien que Burke distingue parfois les "vrais droits de l'homme" des "prétendus droits" (56) des Jacobins, son principal but est de défendre les "droits normatifs", dont la validité légale et la justification philosophique dérivent de la coutume et de l'usage. Il n'a certes jamais justifié les principes du droit à partir d'hypothèses a priori, mais il considérait les droits normatifs qui émergent de l'histoire comme la manifestation terrestre de la loi morale naturelle.

Hayek voit dans les droits issus de la tradition politique occidentale des conventions sociales (57) qui émergent via l'effort continu visant à réconcilier les subjectivités compétitives. Pour lui, le droit civil "s'éparpille" : la tentative de délimiter un domaine privé à chaque personne consiste donc à utiliser sa propre connaissance vers son propre objectif. Dans la perspective hayékienne, la conviction immuable que l'homme possède des droits "inaliénables" est l'effet de siècles d'un tel processus adjudicatoire. (58)

La morale

Comme nous l'avons vu, Burke comme Hayek voient dans les manières, la morale, le droit, la coutume, qui consitituent la fondation de l'ordre social, un phénomène en expansion, produit de l'évolution historique, et non une spéculation abstraite ou bien une invention consciente. Cependant Burke, chrétien-humaniste, croit également en l'existence d'une loi morale naturelle ; il suppose donc "...un type de code moral qui a existé avant l'Etat et en totale indépendance vis-à-vis de celui-ci" (59), un code attribuable à Dieu, "l'archétype original"(60) du droit, de la morale et du gouvernement. Pour Burke, la loi naturelle est la norme ultime à laquelle la loi humaine doit être comparée. Il rejette donc le positivisme de Hobbes et plus généralement toute conception d'un droit produit par la volonté humaine : "Toutes les lois humaines sont, à proprement parler, simplement déclaratoires ; elles n'ont aucun pouvoir au regard de la substance de la justice originelle" (61). Néanmoins, la loi qu'il défend concrètement est incarnée par la constitution anglaise et la Common Law, qu'il considère comme une manifestion terrestre d'une loi naturelle transcendante. La loi que Burke vénère, au fond de lui, est donc à la fois donnée par Dieu et l'évolution historique.

Burke, tout comme les anciens Whigs, croit en l'existence d'une loi morale à laquelle toute loi positive doit se soumettre (62), une loi universelle qui se manifeste par diverses formes, dans une grande variété de codes légaux et des coutumes, qui constituent autant de traditions culturelles. Sa foi en cette loi naturelle permet à Burke de condamner Warren Hastings aussi aisément que la Protestant Ascendency et les marchands d'esclaves. Bien qu'il reconnait que les circonstances et l'opinion publique limitent le niveau et l'étendue de la réforme, il a toujours été un champion de la justice universelle.

Hayek souscrit largement aux principes Whigs de Burke, mais ne croit pas en une quelconque loi naturelle ; pour lui, la morale et le droit ("règles morales pour l'action collective" (63)) ont une origine immanente. Tout provient des adaptations évolutives face aux situations fâcheuses dans lesquelles l'homme peut se trouver -- sa malhabilité à voir toutes les conséquences de ses actes, ou à connaître plus d'une fraction des circonstances concrètes qui prévalent dans son environnement. Pour Hayek, la morale héritée et les principes politiques ont une fonction indispensable : générer un ordre cohérent (respectivement individuel et social); éliminer les actions qui se sont montrées mauvaises, indésirables ou cahotiques dans le passé; permettre réellement à l'homme d'agir dans un environnement dont il ne connaît pas les particularités.

Alors que pour Burke l'évolution historique ne saurait se réduire aux préceptes moraux ("l'histoire enseigne la prudence, pas des principes" (64)), pour Hayek, au contraire, l'histoire est effectivement l'essence distillée des expériences cumulatives des générations précédentes. Si tous deux considèrent que le droit anglais est le seul compatible avec les règles du gouvernement libre, pour Hayek, un tel résultat est le produit exclusif de l'évolution (le "résultat de l'action humaine mais pas [...] d'un dessein" (65)). Pour Burke au contraire, ce droit est aussi un élément de la providence.

Rien, écrit Burke, est "plus subversif pour l'ordre et la beauté, pour la paix et la joie de la société humaine, que la position selon laquelle les hommes auraient le droit de faire toutes les lois qui leur plaisent, ou que ces lois pourraient vivre en dehors de leur institution et indépendemment du sujet qui les ont fait naitre" (67).

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Dans une vision whig que Burke et Hayek partagent, la validité de la loi est totalement indépendante de sa source ; qui fait la loi, le peuple ou un tyran, ne révèle rien (68). Sans surprise, donc, Hayek nie à l'exercice de la volonté, arbitraire ou rationnel, tout droit de déterminer la loi (69). Faire la loi, dans une perspective hayékienne, c'est rendre nécessaire l'articulation continue des règles qui maintiennent un ordre social efficient, des règles qui sont en cohérence avec la morale et des règles légales (explicites et implicites) qui génèrent et soutiennent cet ordre (70). C'est une tâche intellectuelle qui doit être assumée par des gens versés de jurisprudence et de théorie sociale. La volonté (71), poursuit Hayek, n'est pas révélatrice d'une telle tâche ; les règles appropriées sont discernées, pas proclamées.

La philosophie du droit de Hayek, par conséquent, diffère à la fois des philosophes de la loi naturelle et des philosophes positivistes. C'est une sorte de doctrine de la loi naturelle, dans laquelle il y a la conviction que la source du droit est indépendante de la volonté humaine. Néanmoins, la référence ultime de la loi est, pour Hayek, l'ordre social existant sur Terre, pas un ordre transcendant.

Linda C. Raeder

Rédacteur en chef de Humanitas, professeur associé au National Humanities Institute, Washington D.C.

Traduit par Fabrice Ribet

Notes

1 : E. Burke, Appeal from the New to the Old Whigs, in The Works of the Right Honourable Edmund Burke, 7e ed., vol. IV, Boston, 1881, p. 143.

2 : Peter J. Stanlis, "Edmund Burke in Twentieth Century", The Revealance on Edmund Burke, 1964.

3 : Friedrich A. Hayek, La Constitution de la liberté, 1960.

4 : ibid., p. 409. Cf. Pourquoi je ne suis pas un conservateur sur Catallaxia.

5 : Burke, New To Old, p. 188.

6 : "The Petition of Grievance of 1610", cité dans Hayek, La Constitution.

7 : Hayek, La Constitution

8 : John Locke, cité dans Hayek, La Constitution.

9 : Hayek, La Constitution.

10 : Quelques exemple de la pensée de Burke : "Le pouvoir arbitraire est une subversion de la justice naturelle, une violation des droits inhérents de l'humanité" ("inherent rights of mankind"). In The Works of the Right Honourable Edmund Burke, vol. IV.

"Le pouvoir judiciaire doit être quelque chose d'extérieur à l'Etat, de radicalement indépendant, créé pour résister à l'innovation arbitraire et pour induire la certitude et la stabilité des lois" (Burke, Reflections on the Revolution in France)

"Le vice des anciennes démocraties était d'être gouvernées par des décrets de circonstance. [...] Cette pratique brisa le sens général et la consistance des lois ; elle réduisit le respect des gens à l'égard des lois, et les détruisit totalement en fin de compte" (Reflections) "En réalité, le pouvoir arbitraire a tellement le goût dépravé du vulgaire qu'à peu près toutes les discussions relatives à la société ne concernent pas la manière dont le pouvoir doit être exercé, mais dans quelles mains il doit être placé" (New to Old).

11 : Les Commentaires de Blackstone, cité dans Hayek, La Constitution.

12 : Burke, New to Old.

13 : Burke comme Hayek pensent que l'extension de la participation politique est affaire de convention et non de principe. Hayek voit en la démocratie une sorte de "dispositif procédural", un moyen de déterminer certaines sujets d'intérêt commun, et non une fin en soi. Tous deux sont partisans de ce que nous nommons aujourd'hui la démocratie libérale ou constitutionnelle, par opposition à la démocratie majoritaire ou plebiscitaire. Voir Hayek, The Political Order of a Free People.

14 : Burke, Reflections.

15 : Hayek, La Constitution.

16 : Francis Jeffrey, cité dans Hayek, La Constitution.

17 : Burke, New to Old.

18 : Burke, Scarcity.

19 : Hayek, La Présomption fatale.

20 : Burke, Reflections.

21 : La thèse centrale de Hayek est que les institutions et pratiques qui furent longtemps observées forment une "tradition" dans la mesure où elles contribuent à la survie et à la fructification des groupes qui les observent ; celles qui sont le mieux adapté aux circonstances de l'existence humaine remplacent progressivement les pratiques les moins "efficaces". Pour Hayek, la tradition est précieuse car elle incarne l'expérience collective de nos ancêtres et ainsi une plus grande connaissance qu'aucun individu ou groupe ne pourra jamais apprendre dans toute une vie. Les traditions durables, ajoute Hayek, furent transmises rationnellement, même si cette raison reste inacccessible à l'intellect individuel. Burke, dans son analyse de la spiritualité de la vie sociale, n'aurait pas été offensé par le critère hayékien de la survie : "Je ne supposerai jamais que la structure d'un Etat sera plus mauvase si elle contient un principe favorable (quoique latent) à la croissance du genre humain" (Burke, Reflections). Et "Aucun pays dont la population prospère et est en croissance progressive ne peut avoir un mauvais gouvernement" (ibid.).

22 : Hayek, La Constitution.

23 : Hayek, The Political Order of Free People.

24 : Chandran Kukathas, Hayek and Modern Liberalism, Oxford, 1989.

25 : Hayek, "The Errors of Constructivism", New Studies in Philosophy, Politics, Economics, and the History of Ideas.

26 : Pocock, in Reflections, XXXIII-XXXVIII

27 : Burke, Reflections.

28 : ibid

29 : Hayek, La Constitution.

30 : Burke, Scarcity. La thèse de Burke sur le marché suggère qu'il était conscient de ce que Hayek allait souligner, c'est-à-dire le problème dont le marché est la solution. "Il est préférable", disait Burke, "de laisser tout comportement contractuel aux personnes mutuellement concernées par ledit contrat, plutôt que de le laisser entre les mains de ceux qui n'y ont qu'un intérêt distant, voire pas d'intérêt du tout, et peu ou pas de connaissance sur le sujet en question" (ibid). Et le marché "est le lieu de rencontre du consommateur et du producteur, où ils découvrent mutuellement ce que l'autre désire" (ibid). L'analogie avec la pensée de Hayek est éclairante.

31 : Burke, Scarcity. Hayek cite la définition de Burke textuellement (La Constitution).

32 : "Le commerce libre n'est pas basé sur l'utilité mais sur la justice" (Burke, Scarcity).

33 : Ibid.

34 : Ibid

35 : Burke, Reflexions.

36 : Nous devons noter, cependant, que ni Burke ni aucun économiste britannique du XVIIIe n'a en fait préconisé une poltique de laissez-faire. Ils savaient que le marché dépend d'une structure institutionnelle particulière et que l'Etat a des fonctions indispensables à réaliser au regard de la sphère économique. Le concept de "laissez-faire", comme le fait remarquer Hayek, est étranger à la tradition anglaise et à ce que Burke représente ; le terme même révèle ses racines françaises ou du moins de la tradition rationaliste continentale.

37 : Burke, Scarcity

38 : Ibid

39 : Plus précisément, la production de biens publics et de services doit prendre place en dehors du marché, et doit être gouverné par des règles générales et non obligatoires. (Hayek, La Constitution).

40 : Burke, Reflexions. Parlant de la nouvelle constitution française, Burke écrit : "Je ne vois pas une variété d'objets réconciliés en un tout consistant, mais plusieurs principes contradictoires présentés à contre-coeur et soutenus par vos philosophes, qui, tels des bêtes sauvages enfermées dans un cage, se mordent mutuellement jusqu'à leur propre destruction". (Reflections)

41 : Ibid

42 : Hayek, Le Mirage de la justice sociale, t. III de Droit, législation et liberté.

43 : Burke, Scarcity

44 : Ibid.

45 : Ibid.

46 : Burke, cité dans John McCunn, "Religion and Politics", in Daniel E. Ritchie, ed. Edmund Burke : Appraisals and Applications, p.191.

47 : McCunn, "Religion and Politics", 183-84.

48 : Burke, Reflexions.

49 : Ibid.

50 : Ibid.

51 : Burke, cité dans John McCunn, "Religion and Politics"

52 : Burke, Reflexions.

53 : La conception hayékienne de l'évolution historique est, cependant, plus différentée que celle de Burke. Pour Hayek, l'organisation de l'Etat est toujours une construction consciente ; ce n'est pas une institution sociale qui évolue spontanément comme le sont le droit ou la morale. (Hayek, The Political Order of a Free People, p. 152).

54 : Burke, Reflexions.

55 : La conception hayékienne de la religion semble être excessivement étroite, qui prit forme avec le rationalisme des Lumières qu'il prend bien soin de répudier (cf. Graham Walker, The Ethics of F. A. Hayek, 1986

56 : Burke, Reflexions.

57 : "Si la société civile est la progéniture de conventions", dit Burke, "ces conventions doivent être des lois". (Réflexions, 52). Au regard du problème des droits, Hayek est plus burkéen que Burke lui-même.

58 : Hayek, Le Mirage, 101-2.

59 : Stanlis, Burke et les Lumières.

60 : Burke, Réflexions, 86.

61 : Burke, "Tract on the Property Laws", cité dans Stanlis, Burke et les Lumières, p. 18.

62 : En fait, "...La notion d'une loi supérieure aux codes municipaux et aux constitutions, grâce à laquelle naquit le whiggisme, [...] fut l'achèvement suprême des Anglais et leur legs aux nations" (Lord Acton, Lectures on Modern History, p. 217-218.)

63 : Hayek, La Constitution, p. 68.

64 : Burke, cité dans Stanlis, Edmund Burke au XXe siècle, p. 23.

65 : Adam Ferguson, cité par Hayek, La Constitution, p. 57.

66 : Stanlis, Burke et les Lumières, p.17

67 : Burke, "Property Laws", cité dans Stanlis, Burke et les Lumières, p.16.

68 : Ce n'est pas une coincidence si Burke et Hayek voient en Richard Price l'antithèse des Whigs : "La liberté [disait Price] est si imparfaitement définie lorsqu'on parle d'un Etat de droit et non des hommes. Si les lois sont faites par un homme, ou une oligarchie, et non par consentement populaire, un tel gouvernement ne diffère pas de l'esclavage". Rien ne peut être plus éloigné de la philosophie de Burke et Hayek.

69 : "Les gens[...] ne devrait pas être blessé de savoir que leur volonté, pas plus que celle des rois, n'est pas la matrice du vrai et du faux. Ils doivent être persuadés qu'ils ne sont pas aptes [...] à user d'un pouvoir arbitraire quel qu'il soit [...] ou à extraire des lois la soumission abjecte à leur volonté occasionnelle" (Burke, Réflexions, p. 82). "Et ni peu ni beaucoup n'ont le droit d'agir purement et simplement selon leur volonté, sans prendre en considération le devoir, la confiance, l'engagement, ou l'obligation" (Burke, New To Old, p. 162)

70 : La vision de Burke et similaire : tout règlement doit être "réconcilié avec toutes les lois morales, et avec le général et ancien droit anglais" (Burke, New To Old, p.134). Notons que, pour Hayek, le droit et la législation sont deux entités distinctes. Les règles évoluées qui constituent le droit doivent nécessairement posséder certains attributs qu'une législation ne possède que si elle est modelée délibérément comme le droit.

71 : Hayek emploie le terme de "volonté" dans un sens précis : la volonté humaine, pour lui, est toujours dirigée vers la réalisation d'un résultat particulier et concret, qui, simultanément avec les circonstances du moment, suffisent à déterminer une action particulière. La volonté cesse avec la "fin" -- l'effet particulier recherché qui a motivé l'action particulière.

Les pages référencées renvoient aux éditions anglaises


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