Étienne de La Boétie:Biographie

Étienne de La Boétie
1530-1563
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Auteur précurseur
Citations
« Il y a trois sortes de tyrans. Les uns règnent par l’élection du peuple, les autres par la force des armes, les derniers par succession de race. »
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Fils d’un lieutenant du sénéchal du Périgord, d’une famille de magistrats, Étienne de La Boétie appartient à cette bourgeoisie cultivée sur laquelle la monarchie s’est appuyée dans ses efforts pour affermir son pouvoir contre les restes de la féodalité. Après des humanités classiques, il étudie le droit à Orléans, où professait entre autres Anne du Bourg, protestant qui fut brûlé à Paris en 1559. L’école de droit était, alors, en même temps une école de philosophie (en particulier averroïste) et constituait un foyer actif pour la diffusion de l’humanisme et même de la Réforme. Conseiller à la cour de Bordeaux à vingt-trois ans, il a pour collègue Montaigne et se distingue par sa fidélité aux thèses modérées de Michel de L’Hospital. Il meurt en 1563 à trente-trois ans.

De ses œuvres, traductions de Xénophon et de Plutarque, poèmes latins et français dans le goût pétrarquisant, seul le Discours sur la servitude volontaire a survécu. Ce texte étonnant fut publié pour la première fois, en 1574, dans un recueil collectif, d’inspiration protestante, souvent violent, le Réveille-matin des Français. Très tôt considéré comme un pamphlet contre la monarchie, ce texte fut réimprimé à chaque période de lutte pour la démocratie, en 1789, en 1835, et en 1857 à Bruxelles contre Napoléon III. On lui a donné pour titre le Contr’un. Les interprétations qu’on en a proposées diffèrent curieusement.

Certains ne veulent voir là qu’une dissertation scolaire, farcissure de citations de Plutarque, bref, un « discours » sans effets. Ils sont encouragés par le commentaire de Montaigne qui prend nettement position : « ... ce sujet fut traité par lui en son enfance, par manière d’exercitation seulement, comme sujet vulgaire et tracassé en mille endroits des livres. » Ce commentaire est sans doute trop prudent. D’autres, en revanche, attribuent à La Boétie des opinions non seulement parlementaristes, mais républicaines, voire socialistes. Cette interprétation est sans doute anachronique et même outrée. Le texte, très oratoire, est fondé sur une idée originale et qui s’est depuis beaucoup répandue : lorsqu’un homme prend le pouvoir, roi ou tyran, il ne fait que recevoir ce dont les autres se démettent ; il est impossible à un homme d’asservir un peuple si ce peuple ne s’asservit pas d’abord lui-même. « Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres », dit-il. Passant ensuite à l’inventaire des moyens par lesquels un homme assure son pouvoir — ignorance, corruption, paternalisme, superstition —, le Discours décrit avec une grande rigueur logique la pyramide des intérêts qui servent le tyran : « Cinq ou six ont eu l’oreille du tyran [...]. Ces six ont six cents qui profitent sous eux [...]. Ces six cents tiennent sous eux six mille. » La fameuse question : « Qui garde le tyran quand il dort ? » termine ce curieux mélange de violence (appel au tyrannicide) et d’élévation morale.

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On gagnerait sans doute à comparer ce texte avec les Discours de Machiavel, plus tranchants, plus cyniques, plus décidément politiques ; alors que, pour le théoricien florentin, fondateur réel de la théorie politique moderne, le droit n’est que l’expression humaine de la raison du plus fort, La Boétie considère des hommes abstraits, essences plus ou moins déviées qu’il s’agit d’exhorter à la dignité pour que soit restitué l’homme dans sa bonté originelle. Cette attitude volontariste, fondamentalement optimiste, suppose l’homme libre de penser à la liberté, même dans l’esclavage, suppose l’histoire produite par l’intention des hommes, sans considération de rapports de forces extérieurs à eux. Les esclaves sont des pourceaux satisfaits qu’il suffit de sermonner pour qu’ils reconquièrent leur dignité. Le texte peut ainsi apparaître comme un témoin parfait de l’idéalisme humaniste. Le commentaire qu’en fait Montaigne est peut-être moins naïvement rusé qu’on ne l’a cru, il peut être l’avis d’un homme un peu désabusé qui a reconnu au domaine politique son autonomie et sa spécificité. Le Discours sur la servitude volontaire peut sentir le fagot ; c’est, par son éloquence, comme une contre-utopie.


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