Ayn Rand:Savez-vous vraiment ce qu’est l’Objectivisme ?

De Catallaxia
Aller à la navigation Aller à la recherche
La version imprimable n’est plus prise en charge et peut comporter des erreurs de génération. Veuillez mettre à jour les signets de votre navigateur et utiliser à la place la fonction d’impression par défaut de celui-ci.
Ayn Rand
1905-1982
Rand.gif
Auteur minarchiste
Citations
Vous proposez d’établir un ordre social fondé sur le principe suivant: que vous êtes incapables de diriger votre vie personnelle, mais capables de diriger celle des autres; que vous êtes inaptes à vivre librement, mais aptes à devenir des législateurs tout puissants; que vous êtes incapables de gagner votre vie en utilisant votre intelligence, mais capables de juger des hommes politiques et de les désigner à des postes où ils auront tout pouvoir sur des techniques dont vous ignorez tout, des sciences que vous n’avez jamais étudiées, des réalisations dont vous n’avez aucune idée, des industries gigantesques dans lesquelles, selon votre propre aveu, vous seriez incapables d’exercer les fonctions les plus modestes.
« Je n'ai besoin ni de justification ni de sanction pour être ce que je suis. Je suis ma propre justification et ma propre sanction. »
Galaxie liberaux.org
Wikibéral
Articles internes

Liste de tous les articles


Ayn Rand:Savez-vous vraiment ce qu’est l’Objectivisme ?
Savez-vous vraiment ce qu’est l’Objectivisme ?


Anonyme
Analyse de Lafronde


L’Objectivisme est la philosophie d’Ayn Rand (1905-1982) qui, née en Russie et exilée aux Etats-Unis en 1926, devint d’abord scénariste à Hollywood, puis romancière (La Source Vive, Atlas Shrugged, vendu à 9 millions d’exemplaires) et essayiste.

L’Objectivisme est vue comme un sectarisme, une philosophie moralisatrice par sa volonté d’imposer un mode de conduite aux individus et Ayn Rand comme un Sartre à l’envers. Tout cela est faux, chassez vos idées reçues sur la vertu d’égoïsme.

L’Objectivisme se décline en une métaphysique (celle de la réalité objective) ; une épistémologie (le primat de la raison) ; une éthique (celle de l’accomplissement de l’égo et de son intérêt propre) et une doctrine économique (le capitalisme de laissez-faire), il y a également trois valeurs cardinales de l’Objectivisme: la raison, l’intentionnalité et l’estime de soi. Enfin, l’Objectivisme affirme la supériorité fondatrice du droit de propriété à la base de tous les autres droits.

1. La métaphysique

Les faits sont les faits, la réalité existe indépendamment de notre perception des choses, l’homme ne peut créer, inventer, altérer ou formater la réalité, celle-ci existe objectivement en dehors du jugement humain et ce dernier se doit de se faire en fonction des prérogatives de la réalité.

Ayn Rand La vertu d’égoïsme chapitre L’éthique objectiviste page 73:

Prendre “n’importe quoi qui nous rende heureux” comme un guide d’action, signifie n’être guidé que par ses caprices émotifs. Les émotions ne sont pas des outils de connaissance. Etre guidé par des caprices, c’est-à-dire par des désirs dont la source, la nature et la signification nous sont inconnues, c’est s’abaisser à devenir un automate dont le fonctionnement est laissé à la merci de démons inconnaissables (notre esprit ayant déclaré forfait), un automate qui n’arrête pas de frapper sa tête vide contre les murs de la réalité qu’il refuse de voir.

ibid page 30 et 31:

[…] l’organisme n’a pas de choix: ce qui est requis pour sa survie est déterminé par sa nature, par le genre d’entité qu’il est. […] La vie d’un organisme est sa norme d’évaluation: ce qui la favorise est bon, ce qui la menace est mauvais.

Ainsi le primat de la raison est une nécessité objective, l’homme agit pour sa survie selon sa nature, il détermine ses besoins en fonction de ce qu’il est, en fonction d’une réalité objective (d’où la légitimité du primat de la raison).

L’Objectivisme nie l’existence du surnaturel et l’idée que les hommes peuvent survivre en tant qu’homme en se créant leur propre réalité.

2. L’épistémologie

La raison est le seul moyen pour l’individu d’acquérir des connaissances, l’homme aura le réflexe instinctif d’aller s’abriter dans une grotte quand la pluie tombe mais sans raison, il ne pourra allumer un feu, dépecer un animal pour se vêtir, etc. Ainsi l’homme ne peut survivre uniquement en se fiant à ses instincts comme le fait l’animal, la survie de l’homme passe par ce “processus rationnel” permettant l’élaboration de connaissances à même d’assouvir un besoin qu’il ressent grâce à ces sens: l’homme peut identifier la sensation de faim comme un besoin de nourriture mais sans rationalité, il sera incapable de déterminer comment obtenir cette nourriture. Voila pourquoi le primat de la raison n’est pas une idée subjective mais une nécessité objective à la survie de l’homme, la survie de l’homme passe par l’accomplissement de sa propre nature (c’est à dire ce qu’il est par définition): un être rationnel.

ibid page 46:

Aucun percept ni aucun “instinct” ne lui indiquera comment allumer un feu, tisser des vêtements […] Pourtant sa vie dépend de telles connaissances, et seul un acte volontaire de sa conscience, un processus rationnel, le lui procurera.

L’Objectivisme rejette le mysticisme, c’est à dire l’idée que la foi, l’instinct ou les émotions sont des moyens d’acquisition des connaissances.

3. L’éthique

Un homme a besoin d’un code moral (ou système de valeurs) pour vivre et l’éthique est une science dont la fonction est de définir et de formaliser ce code. Puisque la vie est une fin en soi alors l’homme est une fin en lui-même et non le moyen pour satisfaire les fins d’autrui, ainsi l’homme doit considérer sa vie comme le plus haut but moral à atteindre. Par conséquent, il doit vivre pour la satisfaction de ses intérêts propres. Il peut trouver cette satisfaction dans l’isolement ascète comme dans l’amour et le bien apporté à une personne car émettre des sentiments aimants à l’égard d’un individu se fait en contrepartie de l’expression des qualités de cet individu donné.

ibid pages 65 et 66:

Le principe social fondamental de l’éthique objectiviste est que tout comme la vie est une fin en soi, chaque être humain vivant est une fin en lui-même, non le moyen pour les fins ou le bien-être des autres. Ainsi, l’homme doit vivre pour son propre intérêt, ne sacrifiant ni lui-même aux autres, ni les autres à lui-même. Vivre pour son propre intérêt signifie que l’accomplissement de son propre bonheur est le plus haut but moral de l’homme.

Ainsi l’homme va répondre aux qualités d’un autre homme ou d’une femme par l’amour ou les sentiments d’amitié qu’il va lui manifester et vice versa, car les deux protagonistes trouvent un intérêt à manifester leurs sentiments réciproques. Que l’individu soit totalement indifférent à autrui où qu’il lui manifeste des sentiments d’amour, dans les deux cas il satisfait son intérêt propre.

Prenons l’exemple de l’homme qui doit payer des soins à un ami sous peine de voir cet ami quitter le monde des vivants: ceci n’est pas un acte désintéressé, le fait que l’individu finance ces soins est la réponse à son ami qui lui exprime ses qualités. Il répond émotivement aux qualités de son ami car il trouve du plaisir à être le destinataire de l’expression des qualités de l’expéditeur, il satisfait donc son intérêt propre à voir son ami en pleine santé en lui payant ses soins, il satisfait son intérêt égoïste.

ibid page 80:

L’amour, l’amitié, le respect ou l’admiration sont la réponse d’un homme aux vertus d’un autre.

Il n’y a que les tenants de la morale altruiste pour croire que l’acte d’amour ou d’amitié, d’admiration, d’estime ou autre sont des actes désintéressés ; ces manifestations se font sur la base de l’échange.

ibid chapitre L’éthique des urgences page 98:

Un amour “altruiste” et “désintéressé” est une contradiction dans les termes: cela signifie que l’on est indifférent à ce que l’on valorise.

L’altruiste rejette l’échange équitable et prônera le sacrifice des intérêts des uns afin de satisfaire les intérêts des autres et pour cette raison -et pour reprendre l’exemple de l’hospitalisation de l’ami d’un individu donné-, il jugera plus “juste” de financer les soins de dix inconnus en lieu et place de la personne connue pour laquelle l’on ressent des sentiments d’amitié ; ceci pour une raison simple: la satisfaction de son intérêt égoïste est contraire à la morale altruiste qui croit que l’homme trouve son bonheur dans le sacrifice aux autres.

L’Objectivisme soutient la vertu d’égoïsme.

4. La doctrine économique

La doctrine économique des objectivistes est celle du capitalisme de laissez-faire. Les objectivistes sont des libertariens mais ils s’opposent aux anarcho-capitalistes et sont pour un Etat-minimal cantonné aux tâches régaliennes, ce sont des minarchistes. A noter qu’il est plus juste de dire que les minarchistes objectivistes sont des “randiens” en référence au fait que Ayn Rand était en faveur d’un Etat-minimal assurant le droit, il y a des anarcho-capitalistes objectivistes mais ne s’accordant pas avec la mère de l’Objectivisme sur ce point.

ibid chapitre Le financement du gouvernement page 177:

[…] le principe objectiviste que le gouvernement ne doit pas recourir à la force physique sauf pour riposter à ceux qui ont pris l’initiative d’en user.

L’éthique objectiviste affirmant qu’un individu ne peut sacrifier la vie d’autrui (c-a-d de s’en servir comme un moyen) pour satisfaire ses propres intérêts (c-a-d ses propres fins), il est par conséquent faux de parler de “droits à l’éducation” ou “à la santé” car cela sous-entend le sevrage du droit de propriété (ici en l’occurrence, de ses ressources) via l’impôt afin de financer les soins ou l’éducation d’autrui et des enfants d’autrui. Or les droits individuels sont universels d’où le fait que c’est un non-sens de parler de “droit” à l’égard d’un avantage acquis sur la base du viol d’un autre droit.

ibid chapitre l’éthique objectiviste page 84:

Le seul but moral qui convienne à un gouvernement est la protection des droits de l’homme

Et le lien avec l’altruisme dans tout cela? C’est encore Ayn Rand qui le dit le mieux:

ibid chapitre Les droits de l’homme page 144:

L’altruisme est incompatible avec la liberté, le capitalisme et les droits individuels. On ne peut concilier la poursuite du bonheur et le statut moral d’un animal sacrificiel.

Les objectivistes peuvent aussi bien être anarcho-capitalistes que minarchistes mais Ayn Rand rejetait violement l’anarchisme et était en faveur d’un Etat-minimal.

5. Les trois valeurs cardinales de l’Objectivisme

ibid chapitre l’éthique objectiviste pages 58 et 59:

Les trois valeurs cardinales de l’éthique objectiviste sont la raison, l’intentionnalité et l’estime de soi. Ces trois valeurs sont, ensemble, à la fois le moyen de réaliser et la réalisation de cette valeur ultime qu’est notre propre vie. Leurs vertus correspondantes sont la rationalité, la productivité et la fierté. […] La raison est la source, la condition préalable de son [d’un individu rationnel] travail productif, et la fierté, le résultat.

L’Objectivisme affirme que la raison est indispensable à l’accomplissement d’un effort dont dépend la survie de l’individu et dont la fierté résulte.

6. Le droit de propriété

ibid chapitre Les droits de l’homme pages 139 et 140:

Sans droit de propriété, aucun autre droit d’est possible. Puisque l’homme doit maintenir sa vie par son propre effort, l’homme qui n’a aucun droit au produit de son effort n’a aucun moyen de maintenir sa vie. L’homme qui produit alors que d’autres disposent du fruit de son effort est un esclave.

L’Objectivisme soutient que le droit de propriété est la condition de la survie de l’homme.

Pages correspondant à ce thème sur les projets liberaux.org :


CONCLUSION

A l’heure où l’on célèbre le centenaire de la naissance d’Ayn Rand, l’on voit que l’Objectivisme apporta une légitimité objective à l’individualisme avec une éthique basée sur la définition de la nature même d’un individu et ses conséquences épistémologiques indéniables. L’Objectivisme transforma l’idée subjective libérale en une prérogative d’une nécessité objectivement prouvée. L’on peut toutefois polémiquer autour du terme “vertu d’égoïsme” et se demander si Ayn Rand n’aurait pas mieux fait d’utiliser un néologisme afin d’éviter les définitions déformatrices de ce concept basées sur le sens usuel de l’égoïsme, cela sous-entendrait que Rand détourna ce terme de son sens originel en lui allouant un caractère philosophico-politique, c’est tout bonnement faux, Rand s’appuie bien au contraire sur les lois de la logique même: être égoïste est satisfaire son intérêt propre et élever cette satisfaction au rang de valeur morale la plus élevée. Le terme vertu d’égoïsme est parfaitement adapté.

Ayn Rand inspira la création du Libertarian Party outre-atlantique et on lui doit en partie le développement du courant anti-”social-étatique” qui mena à l’élection de Ronald Reagan au poste de Président des Etats-Unis en 1981 (bien qu’elle désapprouva l’aspect traditionaliste de l’administration de l’époque), sa pensée renouvela formidablement la philosophie libérale contemporaine, qu’il lui soit rendu hommage.

Merci à Lafronde et à son blog


Accédez d'un seul coup d’œil aux articles consacrés à Ayn Rand sur Catallaxia.

wl:Ayn Rand