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Carl Menger
1840-1921
Auteur minarchiste
Citations
«  L’échange, fondé sur la connaissance de la possibilité de l’échange et le pouvoir (la disponibilité des biens), n’est pas nécessairement total ; il est susceptible d’être coûteux »
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Carl Menger:Les origines de la monnaie
Les origines de la monnaie


Anonyme


Traduction par Copeau
Economic Journal, volume 2,(1892) p. 239-55.

I. Introduction

Un phénomène a depuis longtemps, et à un degré particulier, attiré l’attention des chercheurs en économie et en sciences sociales : le fait que certaines marchandises (les pièces en or ou en argent des civilisations avancées, ainsi que les représentations matérielles de ces pièces) deviennent des moyens d’échange acceptés universellement.

Il est évident, y compris pour un profane, qu’une marchandise ne devrait être abandonée par son propriétaire que contre une autre plus utile pour lui.

Or le fait que chaque unité économique d’une nation donnée soit prête à échanger ses biens pour des petits disques de métal apparemment moins utiles, ou pour des représentations de ces disques, est un procédé tellement opposé au cours ordinaire des choses, que nous pouvons bien nous demander si même un penseur de renom comme Savigny n’a pas considéré cette situation comme absolument " mystérieuse ".

Il ne doit pas être supposé que la pièce, ou sa représentation, employés en monnaie courante, constitue une énigme.

Nous devons nous éloigner de ces formes contemporaines et retourner aux premiers stades du développement économique, ou visiter certains pays actuels dans lesquels nous trouvons le métal précieux dans un état pré-monétaire mais servant malgré tout de moyen d’échange, au même titre que d’autres marchandises : peaux, thé, blocs de sel, porcelaine, etc.

Aussi loin serons-nous confrontés à ce phénomène, devrons-nous expliquer pourquoi l’Homo Economicus est prêt à accepter un certain type de marchandise (même s’il n’en a pas besoin, ou si son besoin est déjà assouvi), en échange de tous les biens qu’il dirige vers le marché, alors que ces marchandises ne sont pas le moins du monde ce dont il a besoin, au regard des biens qu’il est résolu à acquérir dans la transaction.

En conséquence, ce phénomène social qui s’étend jusqu'à nos jours soulève une chaîne ininterrompue de dissertations sur la nature et la spécificité de la monnaie, dans ses relations avec tous ces échanges constitués.

Des philosophes, des juristes, des historiens, au même titre que des économistes, et même des naturalistes et des mathématiciens, ont étudié ce problème notable, et il n’est pas de peuple civilisé à avoir fourni sa part à l’abondante littérature consacrée à ce sujet.

Quelle est la nature de ces petits disques ou de leurs représentations, qui en eux-mêmes semblent n’avoir aucun but utile, mais qui néanmoins, en contradiction avec le reste de l’expérience, passent d’une main à l’autre en échange des marchandises les plus utiles, et pour qui chacun se montre passionné ?

La monnaie est-elle un membre organique du monde des marchandises, ou est-ce une anomalie économique ? Devons-nous nous référer à la pratique commerciale pour déterminer sa valeur, comme pour tout autre bien, ou la monnaie est-elle un produit abstrait issu des conventions et de l’autorité ?

II – Quelles ont été jusqu’ici les tentatives de solution proposées ?

Les résultats des investigations menées sur ce problème sont proportionnées soit au développement de la recherche historique générale, soit au temps et aux efforts intellectuels passés pour trouver une solution.

Le phénomène énigmatique de la monnaie est pour ainsi dire resté sans explication convaincante ; il n’y a même pas d’accord sur la question fondamentale de sa nature et de ses fonctions. Nous n’avons pas encore de théorie satisfaisante de la monnaie.

L’idée qui venait en premier pour expliquer la fonction spécifique de la monnaie en tant que moyen d’échange universel, consistait à faire référence à une convention générale, ou à une origine législative.

Le problème que la science a dès lors eu à résoudre, c’est de fournir une explication d’une pratique générale et homogène, qui est, incontestablement en faveur du bien commun, mais qui semble pourtant en conflit avec les plus proches et les plus immédiats intérêts des individus contractants.

Dans de telles circonstances, l’explication la plus logique semble être la procédure décrite ci-dessus, qui est extérieure à la sphère des considérations individuelles.

Supposer que certains biens, les métaux précieux en particulier, furent élevés au rang de moyens d’échange par une loi ou une convention générale, et ce pour le bien de tous, permettait de résoudre cette difficulté, et de la façon apparemment la plus simple et la plus naturelle possible, dans la mesure où la forme même de la pièce de monnaie semblait être une marque de la régulation étatique. Telle était l’opinion de Platon, d’Aristote, des juristes romains, et ces auteurs furent suivis par les écrivains médiévaux.

Même les développements les plus modernes de la théorie de la monnaie n’ont pas, en substance, dépassé ce point de vue (1).

Testée plus précisément, la supposition sous-jacente de cette théorie prête le flanc à de nombreux doutes. Un événement d’une signification aussi universelle et d’une notoriété si inévitable – l’établissement d’un moyen universel d’échange par la loi ou une convention – , pourrait certainement être gravé dans la mémoire de l’homme, attendu que cette situation serait accomplie dans un grand nombre de lieux.

Pourtant aucun monument historique ne nous apporte d’informations dignes de foi de transactions soit conférant une identification claire d’un moyen d’échange toujours d’usage, soit touchant à leur adoption par des peupes récents, ce qui ne témoigne pas en faveur d’une initiation des premiers âges de la civilisation économique à l’usage de la monnaie.

Et en fait la majorité des théoriciens ne s’arrêtent pas à l’explication de la monnaie fournie ci-dessus. L’adaptabilité particulière des métaux précieux à la monnaie et aux pièces fut relevée par Aristote, Xénophon, et Pliny, et dans une plus large mesure par John Law, Adam Smith et ses disciples, qui ont tous cherché une explication plus approfondie du moyen d’échange que constitue la monnaie.

Il est néanmoins clair que le choix des métaux précieux selon la loi ou une convention, même créés en conséquence de leur adaptabilité particulière aux buts monétaires, présuppose la connaissance pratique de l’origine de la monnaie, et de la sélection de ces métaux – or cette présupposition est anhistorique.

Et aucun théoricien confronté à ce problème – c’est-à-dire comment expliquer que certaines marchandises (les métaux précieux à certains stades d’évolution culturelle) ont été encouragées parmi la masse de toutes les marchandises , et acceptées comme moyen d’échange reconnu – n’a pu jusqu'à présent le résoudre. Cette question concerne non seulement l’origine mais aussi la nature de la monnaie et sa position face aux autres marchandises.

III. Le problème de la genèse du moyen d’échange

Dans l’économie primitive l’homme est graduellement éveillé à une compréhension des avantages économiques qui peuvent être obtenus par l’exploitation des opportunités d’échange existantes. Ses buts primordiaux, conformes à la simplicité de la culture primitive, sont exclusivement dirigés vers tout ce qui lui tombe directement sous la main.

Et la valeur de l’usage des marchandises qu’il cherche à acquérir est le seul élément qui entre en compte dans ce marchandage.

Dans de telles conditions chaque homme a l’intention d’acquérir dans l’échange les seuls biens dont il a directement besoin, et rejette ceux pour lesquels il n’a aucun besoin, ou dont il est déjà suffisamment approvisionné. Ainsi il est clair que, dans de telles circonstances, le nombre de marchandages effectivement échangées doit atteindre ses dernières limites. Rarement le cas se présentera où une marchandise détenue par quelqu’un aura une valeur d’usage moindre qu’une autre marchandise détenue par quelqu’un d’autre ! Et pour ce dernier seul le cas inverse se présentera. Mais bien plus rare sera le cas où ces deux personnes physiques se rencontreront ! Pensez, en effet, aux difficultés particulières gênant l’échange immédiat de biens, lorsque l’offre et la demande ne coincident pas ; lorsque, par exemple, une marchandise indivisible doit être échangée contre une variété de biens en possession de différentes personnes, ou lorsque ces marchandises sont demandées épisodiquement et ne peuvent être fournies que par des personnes différentes !

Même dans le cas le plus fréquent et le plus simple, où une unité économique, A, demande une marchandise possédée par B, et B en désire une possédée par C, tandis que C veut une marchandise de A -- même ici, dans un échange pur, l’échange des biens en question pourrait ne pas être réalisé.

Ces difficultés prouveraient l’existence d’obstacles insurmontables à la progession du trafic, et à la production de biens à la vente irrégulière, mais elles n’ont pas constitué une explication véritable des différents degrés de capacité d’échange (Absatzfahigkeit) des marchandises. La différence existant entre les articles de commerce est d’un intérêt majeur pour la théorie de la monnaie, et pour le marché en général. L’échec de la tentative d’explication du phénomène du commerce consitue non seulement une brèche lamentable dans notre science, mais aussi une des causes essentielles de l’arriération de la théorie de la monnaie. La théorie de la monnaie suppose nécessairement une théorie de la capacité d’échange des biens.

Si nous comprenons ceci, nous serons capables de comprendre comment la capacité presqu’illimitée d’échange de la monnaie est seulement un cas particulier -- présentant une simple différence de degré – d’un phénomène général de la vie économique – c’est-à-dire, la différence dans la capacité d’échange des marchandises en général.

IV. Les marchandises plus ou moins échangeable

Il est une erreur fort répandue en économie, et qui consiste en croire que toutes les marchandises, à un moment donné et sur un marché donné, doivent se comporter entre elles selon une relation d’échange définie ; en d’autres termes, qu’elles peuvent être mutuellement échangées dans des quantités définies. Il n’est pas vrai que, sur un marché donné, 10 livres d’un article = 2 livres d’un autre = 3 livres d’un troisième, et ainsi de suite. La plus rapide observation des phénomènes de marché nous apprend qu’il n’est pas en notre pouvoir, lorsque nous achetons un article à un certain prix, de le revendre aussitôt au même prix. Si nous essayons de nous débarrasser d’un vêtement, d’un livre, ou d’une œuvre d’art, que nous venons juste d’acheter, sur le même marché, même aussitôt, même avant que la conjoncture n’ait changé, nous nous convaincrons facilement du caractère chimérique d’une telle affirmation. Le prix auquel chacun peut comme bon lui semble acheter une marchandise sur un marché donné à un moment donné, et le prix auquel on peut disposer et se séparer de la même chose à volonté, sont deux choses différentes.

Une telle observation s’applique tant au commerce de gros qu’aux prix de détail.

On ne peut même pas disposer des biens aussi commercialisables que le blé, le coton, le fer, pour le prix auquel on les a achetés.

Le commerce et la spéculation seraient les choses les plus simples du monde, si la théorie de l’équivalence objective des biens était correcte, s’il était effectivement vrai que sur tel marché et à tel moment des marchandises pouvaient être mutuellement converties à volonté en des relations quantifiées définies – si elles pouvaient, en d’autres termes, être aussi aisément vendues qu’achetées à un prix donné.

Il n’y a jamais une telle situation de capacité d’échange des biens.

La vérité est que, même dans le marché le mieux organisé, tandis que nous sommes capables d’acheter ce que nous voulons et quand nous le voulons, et au prix que nous désirons (le prix d’achat), nous ne pouvons nous en séparer que de manière désorientée, au prix de vente. (2)

La perte enregistrée par celui qui est obligé de céder un article à un moment donné, au regard des prix d’achat courants, est très variable, comme le montrent les marchés de marchandises spécifiques.

Si le blé ou le coton sont échangés sur un marché spécialisé, le vendeur est en position de vendre pratiquement n’importe quelle quantité, lorsque il le souhaite, au prix courant, ou du moins avec une perte de quelques centimes seulement sur le montant total. Si l’agent souhaite vendre, en d’importantes quantités, des vêtements ou des étoffes de soie à volonté, il devra régulièrement se contenter d’une diminution considérable du prix de vente.

Pire est le cas de celui qui, à un certain moment, se débarrasse d’instruments astronomiques, de préparations anatomiques, d’écritures sanskrites ou d’autres articles si peu marchandables !

Si nous appellons tout article ou bien plus ou moins vendable, au regard de la plus ou moins grande facilité avec laquelle ils peuvent être échangés sur un marché, à n’importe quel moment et au prix courant, ou avec de négligeables variations, nous pouvons voir de ce qui a été dit, qu’il existe une différence évidente entre les marchandises.

Néanmoins, et en dépit de sa grande signification pratique, on ne peut pas dire que ce phénomène a été convenablement pris en considération par la science économique. La raison en est, pour une part, la circonstance que la recherche liée aux phénomènes de prix a été orientée presque exclusivement en direction de la quantité de marchandises échangées, et pas aussi bien vers la plus ou moins grande facilité avec laquelle des articles pouvait être échangées à des prix normaux. Pour une autre part, la raison en est aussi la méthode complètement abstraite par laquelle la capacité d’échange des biens a été traitée, sans considération pour les circonstances concrètes.

La personne qui s’oriente vers le marché avec ses articles a pour règle d’en disposer, certainement pas à n’importe quel prix, mais à un prix tel qu’il corresponde à la situation économique générale. Si nous nous interrogeons sur les différents degrés de capacité d’échange de biens et sur leurs implications dans la vie pratique, nous pouvons seulement le faire en considérant la plus ou moins grande facilité avec laquelle ils peuvent être échangés à des prix correspondants à la situation économique générale, c’est-à-dire, aux prix économiques (3). Une marchandise est plus ou moins vendable au regard de la manière dont nous sommes capables, avec plus ou moins de succès prévisible, de nous en débarrasser à des prix correspondant à la situation économique générale, aux prix économiques.

Qui plus est, le laps de temps pendant lequel on estime que la marchandise acquise au prix économique sera mise au rebut, a une grande signification pour la recherche de son degré de capacité d’échange.

Le fait que la demande d’une marchandise soit mince n’a pas d’importance, de même que le fait qu’en d’autres lieux sa capacité d’échange soit faible ; si son propriétaire peut attendre son heure, il sera au final capable de s’en séparer aux prix économiques. Cependant, depuis que cette condition est souvent absente du cours actuel des affaires, il se produit pour les objectifs concrets une différence importante entre les marchandises, d’une part, pour lesquelles nous espérons nous en séparer à n’importe quel moment au prix économique (ou au moins à peu près), et de tels biens, d’autre part, pour lesquels nous n’avons pas un tel espoir, et pour lesquels, si le propriétaire veut s’en séparer au prix économique, il devra nécessairement attendre un certain temps, ou sera contraint de procéder à une réduction plus ou moins sensible de son prix de vente.

De plus, nous devons nous pencher sur le facteur quantitatif de la capacité d’échange des marchandises. Certains biens, en conséquence du développement des marchés et de la spéculation, sont capables à chaque instant de se vendre à pratiquement n’importe quelle quantité, pour un certain prix économique. D’autres biens ne pourront se vendre au prix économique que dans des quantités plus faibles, proportionnées à la croissance graduelle de la demande efficiente, provoquant une baisse relative du prix en cas d’offre plus élevée.


V. Des causes des différents degrés de capacité d’échange des marchandises

Le degré par lequel une marchandise peut être vendue, sur un marché donné, à n’importe quel moment, à un prix correspondant à la situation économique (le prix économique), dépend des circonstances suivantes :

1. Le nombre de personnes qui veulent encore la marchandise en question, ainsi que l’étendue et l’intensité de ce désir, lequel n’est pas satisfait, ou se renouvelle constamment.

2. Le pouvoir d’achat de ces personnes.

3. La quantité disponible de la marchandise, au regard du désir total non satisfait de celle-ci.

4. La divisibilité de la marchandise, et tout autre moyen par lequel elle peut être ajustée aux besoins des consommateurs individuels.

5. Le développement du marché, et de la spéculation en particulier. Et enfin

6. Le nombre et la nature des limitations politiques et sociales imposées aux échanges et à la consommation de la marchandise.

Nous pouvons continuer, sur la même voie que celle qui nous a permis de considérer le degré de capacité d’échange des marchandises sur des marchés particuliers et à des moments particuliers, en nous intéressant aux limites spatiales et temporelles de leur capacité d’échange. Sur cet aspect aussi, nous observons sur nos marchés des marchandises pour lesquelles la capacité d’échange est quasi illimitée, dans le temps comme dans l’espace, et d’autres pour lesquelles cette capacité est plus ou moins limitée.

Les limites spatiales de la capacité d’échange des marchandises sont principalement conditionnées :

1. par le degré de distortion du désir de ces marchandises dans l’espace.

2. par la manière dont ces biens se prêtent au transport, et le coût du transport encouru par rapport à leur valeur.

3. par l’étendue par laquelle les moyens de transport du commerce sont développés pour chaque type de marchandises.

4. par le prolongement local des marchés organisés et leur Interconnexion par " l’arbitrage "

5. par les différences de restriction imposées au commerce, et singulièrement au commerce international.

Les limites temporelles à la capacité d’échange des marchandises sont principalement conditionnées :

1. par la permanence du besoin de ces biens (leur indépendance aux fluctuations)

2. par leur durabilité, c’est-à-dire leur propriété de préservation

3. par le coût de conservation et de stockage

4. par le taux d’intérêt

5. par la périodicité du marché du même bien

6. par le développement de la spéculation et en particulier des arbitrages temporels

7. par les restrictions imposées, politiquement et socialement, et appliquées d’une période à l’autre.

Toutes ces circonstances, desquelles dépendent les différents degrés et les différentes limites temporelles et spatiales de la capacité d’échange, expliquent pourquoi certaines marchandises sont à portée de main sur des marchés définis (comportant des limites spatiales et temporelles), à tout moment et à pratiquement n’importe quelle quantité, à des prix conformes à la situation économique générale, cependant que la capacité d’échange d’autres marchandises est confinée dans des limites spatiales et temporelles étroites ; et encore, même dans ces marchés restreints il est difficile de se séparer de ces marchandises en question, et ceci n’est souvent possible que grâce à une diminution plus ou moins sensible du prix.


VI. La genèse du moyen d’échange

(4)

Pendant longtemps, le sujet universel au centre des discussions sur l’échange, a été le fait que pour certaines marchandises il existait une plus grande, plus constante, et plus effective demande que pour d’autres marchandises moins désirables, dans la mesure où les propriétaires peuvent et veulent échanger, ce qui est un but immédiatement universel mais, du fait de la relative rareté de ces biens, ce qui est toujours satisfait imparfaitement.

De plus, la personne qui veut acquérir certains biens définis en échange des siens est dans une position plus favorable – s’il apporte des marchandises équivalentes sur ce type de marché – que s’il visite les marchés avec des biens qui ne lui procurent pas de tels avantages, ou au moins pas au même degré. Ainsi équipé il a l’espoir d’obtenir des biens conformes à ceux qu’il voulait obtenir, non seulement avec plus de facilité et de sécurité, mais aussi, à cause d’une demande pour ses biens plus solide et plus répandue, aux prix correspondants à la situation économique générale – les prix économiques. Dans de telles circonstances, lorsque chacun apporte des biens difficilement échangeables sur le marché, il a comme idée fondamentale de les échanger, non seulement contre ce dont il a besoin, si un tel échange ne peut être effectué directement, mais aussi contre d’autres biens, qui, même s’il ne les veut pas pour lui-même, sont néanmoins plus échangeables que les siens.Par cet acte il n’atteint certainement pas de suite le but final de son échange, qui est l’acquisition de biens qui lui sont utiles sinon indispensables. Pourtant il se rapproche de cet objectif. Par la voie tortueuse de l’échange intermédiaire, il permet l’accomplissement de son but plus sûrement et plus économiquement que s’il s’était limité à un échange direct. De fait, il semble que cela a été le cas partout. Par l’amélioration de la connaissance de leurs intérêts individuels, ainsi que de leurs intérêts économiques, les hommes ont été amenés, sans convention ni loi, sans même une quelconque considération de l’intérêt commun, à échanger des biens destinés à l’échange (leurs " articles ") contre d’autres biens également destinés à l’échange, mais plus échangeables et vendables.

Avec l’extension des échanges dans l’espace et avec les intervalles de temps allongées d’attente de la satisfaction des besoins matériels, chaque individu apprend, par ses propres intérêts économiques, à faire très attention à échanger ses biens les moins vendables contre ces marchandises spéciales qui ont, nonobstant leur caractère échangeable dans un lieu particulier, un large pouvoir d’échange dans le temps et dans l’espace.

Ces articles sont déterminés par leur cherté, leur portabilité aisée, et leur capacité de conservation (dans la mesure où ils correspondent à une demande solide et répandue), assurant à son propriétaire un pouvoir, pas seulement ici et maintenant mais quasi illimité dans le temps et dans l’espace, y compris sur les autres marchés de biens aux prix économiques.

Ceci se produit, à mesure que l’homme est versé aux avantages économiques, essentiellement grâce à un discernement devenu traditionnel et instinctif, et grâce à l’habitude de l’action économique ; ainsi ces marchandises, les plus échangeables dans le temps et dans l’espace, sont devenues sur chaque marché des articles, que chacun accepte d’échanger contre ses biens les moins échangeables, mais aussi contre ceux auxquels il accorde le plus de valeur. Et leur capacité d’échange supérieure dépend seulement de la capacité d’échange relativement inférieure de chaque autre type de marchandise, et c’est seulement ainsi qu’ils sont devenus des moyens d’échange acceptés par tous.

Il est évident que la genèse de tels moyens pratiques généraux d’échange est très significative. Cette logique réside dans l’intérêt économique qu’a chaque individu à échanger les marchandises les moins vendables contre les plus vendables. Mais l’acceptation volontaire de ce moyen d’échange présuppose déjà une connaissance de cet intérêt de la part des agents qui s’attendent à


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