Pascal Salin:Le recul sur le CPE affaiblit les institutions

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Pascal Salin
né en 1939
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Auteur minarchiste
Citations
« L'État n'a aucune justification morale ni scientifique, mais (...) constitue le pur produit de l'émergence de la violence dans les sociétés humaines. »
« La théorie keynésienne représente une aberration dans l'histoire des idées économiques. Elle repose en effet sur une approche directement en termes collectifs (par définition de variables macroéconomiques) en ignorant le caractère rationnel et volontaire de l'action humaine. »
« Les libéraux ne sont pas concernés par le marché, ils sont concernés par les droits, ce qui n'est pas du tout la même chose. »
« L'argent public finit toujours dans des poches privées. »
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Pascal Salin:Le recul sur le CPE affaiblit les institutions
Le recul sur le CPE affaiblit les institutions


Anonyme


Cet article a d'abord été publié dans Le Figaro, le 12 avril 2006

Le président de la République vient de décider d'annuler la loi sur le CPE (contrat première embauche), pourtant régulièrement votée il y a quelques jours par l'Assemblée nationale et le Sénat! Comme on le sait, cette décision est destinée à mettre fin à la « crise sociale » provoquée par l'opposition d'une partie de la population à ce texte. Elle n'en est pas moins ahurissante et elle constitue, comme nous allons le voir, un symbole inquiétant de la dégradation des institutions françaises, un précédent fâcheux pour toute réforme à venir et une faute politique majeure.

La tyrannie de la majorité

À droite comme à gauche, on prétend vénérer la démocratie, ce système d'organisation politique où les décisions sont prises à la majorité des voix. Certes, cette règle n'est pas suffisante pour garantir les libertés individuelles, puisque l'on pourra toujours trouver une majorité pour brimer des minorités. Et c'est pourquoi les démocraties peuvent facilement devenir tyranniques. Il n'en reste pas moins que la loi de la majorité est préférable à la loi de la minorité. On n'hésite donc pas, heureusement, à dénoncer les situations où une minorité opprime la majorité, comme cela est le cas des dictatures (sauf, bien souvent, lorsqu'il s'agit d'une dictature de gauche…).

Mais c'est exactement la même situation que nous venons de vivre en France: un million de manifestants imposent leur volonté à la population française et réussissent à faire retirer une loi qui venait d'être votée par le Parlement selon les formes légales. Comment les hommes et les femmes de gauche, qui ont toujours le mot de démocratie à la bouche, peuvent-ils accepter une telle décision? Et peuvent-ils encore se dire démocrates alors qu'ils ont soutenu ce mouvement antidémocratique? On le constate hélas une fois de plus, pour la gauche, la démocratie est le meilleur des régimes lorsqu'elle leur permet d'être au pouvoir. Mais elle n'a plus de sens lorsqu'elle profite à ses adversaires politiques et il faut alors lui substituer le recours à la force.

Quant à la droite, on doit déplorer, une fois de plus, son incapacité à résister à la rue, à empêcher cette scandaleuse atteinte aux droits qu'a été le blocage des écoles et des universités, et à faire respecter le fondement même de notre système politique, c'est-à-dire le vote d'une loi par un Parlement dont les membres ont été démocratiquement élus. Faut-il rappeler que c'est en tenant tête sans faiblir à des syndicats au début de leurs mandats respectifs que Ronald Reagan et Margaret Thatcher ont rendu possible la mise en oeuvre de leurs programmes, ouvrant ainsi la voie à une prospérité sans égal, dont les Français peuvent être jaloux à juste titre?

Notons-le d'ailleurs au passage, il est paradoxal qu'on refuse le droit de vote aux jeunes Français âgés de moins de 18 ans parce qu'on estime qu'ils n'ont pas une maturité politique suffisante, mais qu'on cède devant des manifestations où ils ont tenu une place non négligeable. Ce faisant, ils ont d'ailleurs montré leur ignorance totale du véritable fonctionnement d'une entreprise et du système économique en général, ce qui n'est malheureusement pas surprenant, compte tenu du matraquage idéologique auquel ils sont quotidiennement soumis dans leurs écoles: pour eux, un patron d'entreprise est un exploiteur qui n'aurait qu'un objectif, les licencier. Comment ne comprennent-ils pas qu'il faut du temps pour qu'un jeune, nouveau venu dans une entreprise, soit réellement productif et qu'aucun patron digne de ce nom ne souhaiterait licencier un salarié, une fois cette période franchie, tout au moins si celui-ci lui donne satisfaction? Mais pour la jeune génération, nourrie au sein de l'étatisme, le salaire est un dû et l'emploi, un emploi à vie…

Certes, compte tenu de ce terrifiant biais idéologique – autre fruit de l'interventionnisme étatique, à savoir du monopole de l'État dans ce qu'on ose encore appeler l'éducation –, il aurait été habile de la part du gouvernement de ne pas introduire plus de flexibilité dans le contrat de travail pour la seule catégorie des jeunes, qui y ont vu une discrimination. Le CPE allait dans la bonne direction en supprimant certaines rigidités de la législation du contrat de travail, mais il aurait été certainement préférable de rendre possible cette plus grande flexibilité pour tous les salariés et pas seulement pour certains d'entre eux.

Un pas en avant, deux pas en arrière

Malheureusement, comme pour les retraites, comme pour la santé, un gouvernement de droite préfère procéder par de tout petits pas – éventuellement suivis par un recul précipité – au lieu de mettre en oeuvre une véritable réforme d'ensemble et de s'y tenir fermement. Quitte à se heurter à l'opposition des syndicats et aux manifestations de rue, il vaudrait mieux que l'enjeu en vaille vraiment la peine. Or, pour arriver à réduire véritablement le chômage en France, il faudra bien introduire plus de flexibilité dans le contrat de travail, si ce n'est même revenir à la liberté contractuelle. Ceci a été fait dans bien d'autres pays avec succès.

L'exemple le plus spectaculaire est sans doute celui de la Nouvelle-Zélande. En 1991, une réforme du droit du travail a été réalisée en six semaines par le nouveau gouvernement conservateur et plus particulièrement par son ministre des Finances, Mme Ruth Richardson. Cette réforme a consisté essentiellement à supprimer le caractère collectif et obligatoire des relations de travail pour y substituer la liberté contractuelle. Les conventions collectives sont devenues purement supplétives et le contrat de travail est devenu essentiellement une question négociée de manière individuelle entre un salarié et son employeur.

Les salariés ont toutes les raisons d'être satisfaits du changement: non seulement peuvent-ils choisir librement leur contrat de travail, mais le chômage a pratiquement disparu du pays grâce à la plus grande flexibilité ainsi introduite sur le marché du travail (mais aussi grâce à une importante diminution des impôts décidée précédemment par le gouvernement travailliste). Ainsi, le taux de chômage qui était de 11% en 1991 est tombé à 4% en 2004! De quoi faire rêver les Français empêtrés dans leur fameux modèle social qui est surtout un modèle de destruction sociale.

Pages correspondant à ce thème sur les projets liberaux.org :

C'est juste après les élections présidentielles de 1995 et 2002 qu'une réforme fondamentale du droit du travail aurait dû être introduite en France. Mais Jacques Chirac a préféré l'immobilisme, dans un monde qui changeait rapidement. Et il termine son mandat actuel par une grande défaite à propos d'une petite réforme! Cet échec est aussi une lourde faute politique: ayant cédé devant la gauche, il ridiculise la droite et il pousse ses électeurs – qui se sentent trahis – vers de mauvaises solutions (l'abstention, le vote pour l'extrême droite ou pour la gauche…). Et ce psychodrame à la française se termine comme on pouvait malheureusement le prévoir: en renonçant à la réforme et en la remplaçant par la seule chose que les gouvernements français aient jamais su faire: prélever de l'argent sur les contribuables français pour les redistribuer au nom d'un quelconque programme fumeux d'insertion… dans une société qu'ils ont contribué à démanteler.


  • Cet article a d'abord été publié dans Le Figaro, le 12 avril 2006.


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