Différences entre les versions de « Alain Laurent:Le paradoxe du libéralisme : du bon usage de la coercition »

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Mais n’est-ce pas malgré tout trop vite présumer réglé le problème – naturellement central pour les libéraux – du consentement volontaire et de l’adhésion contractuelle de chacun au financement de ce bien public redistributif ou au fait de dépendre d’un système ou de pratiques ne laissant plus de place à un libre choix sans lequel l’habilitation de l'État à détenir le monopole de l'enforcement coercitif du Droit est privé d’une vraie légitimité morale et politique ? La moindre des choses dans un monde réellement libéral est de ne pas violer le droit souverain des individus qui respectent eux-mêmes celui des autres. Dans la mesure où cet État conçu comme une co-propriété ne dispose pas de nouveaux droits émergents (il n’a pas de souveraineté propre, il n’existe que par transfert des droits individuels de légitime défense…) pouvant s’imposer ou s’opposer aux objecteurs pacifiques préférant assurer leur sécurité par eux-mêmes, y a-t-il d’autre issue que leur proposer une compensation ou leur reconnaître un légitime droit de sécession ?
Mais n’est-ce pas malgré tout trop vite présumer réglé le problème – naturellement central pour les libéraux – du consentement volontaire et de l’adhésion contractuelle de chacun au financement de ce bien public redistributif ou au fait de dépendre d’un système ou de pratiques ne laissant plus de place à un libre choix sans lequel l’habilitation de l'État à détenir le monopole de l'enforcement coercitif du Droit est privé d’une vraie légitimité morale et politique ? La moindre des choses dans un monde réellement libéral est de ne pas violer le droit souverain des individus qui respectent eux-mêmes celui des autres. Dans la mesure où cet État conçu comme une co-propriété ne dispose pas de nouveaux droits émergents (il n’a pas de souveraineté propre, il n’existe que par transfert des droits individuels de légitime défense…) pouvant s’imposer ou s’opposer aux objecteurs pacifiques préférant assurer leur sécurité par eux-mêmes, y a-t-il d’autre issue que leur proposer une compensation ou leur reconnaître un légitime droit de sécession ?


Cependant, l’urgence contemporaine et concrète n’est pas de contempler l’émergence de l'État minimal quelles qu’en soient les modalités. Mais bien plutôt, à l’inverse, de chercher à sortir de sociétés envahies par l'État omnipotent – pour en limiter institutionnellement les prérogatives et laisser les individus jouir librement de leur souveraineté en exerçant activement leur responsabilité. Ce processus de désétatisation ne devrait pas épargner le champ de la sécurité, à ouvrir en conséquence à une privatisation partielle (d’ailleurs déjà spontanément amorcée ça et là) complétant ou concurrençant le service public. C’est là l’occasion historique de faire droit avec réalisme à la revendication de citoyens « co-propriétaires » de vouloir contrôler plus étroitement la protection effective de leur liberté et de pouvoir défendre leurs intérêts ou les causes qui leur importent. Seulement limitée par le respect constitutionnel des contraintes du Droit commun, cette complémentarité/concurrence légalisée (ouverte au marché comme au monde associatif) aboutirait à relativiser et désacraliser le monopole opérationnel « régalien » de l'État et à contraindre celui-ci à plus d’efficacité dans le souci de répondre aux besoins sécuritaires réels des gens.  
Cependant, l’urgence contemporaine et concrète n’est pas de contempler l’émergence de l'État minimal quelles qu’en soient les modalités. Mais bien plutôt, à l’inverse, de chercher à sortir de sociétés envahies par l'État omnipotent – pour en limiter institutionnellement les prérogatives et laisser les individus jouir librement de leur souveraineté en exerçant activement leur responsabilité. Ce processus de désétatisation ne devrait pas épargner le champ de la sécurité, à ouvrir en conséquence à une privatisation partielle (d’ailleurs déjà spontanément amorcée ça et là) complétant ou concurrençant le service public. C’est là l’occasion historique de faire droit avec réalisme à la revendication de citoyens « co-propriétaires » de vouloir contrôler plus étroitement la protection effective de leur liberté et de pouvoir défendre leurs intérêts ou les causes qui leur importent. Seulement limitée par le respect constitutionnel des contraintes du Droit commun, cette complémentarité/concurrence légalisée (ouverte au marché comme au monde associatif) aboutirait à relativiser et désacraliser le [https://www.wikiberal.org/wiki/Fonctions_r%C3%A9galiennes monopole opérationnel « régalien » de l'État] et à contraindre celui-ci à plus d’efficacité dans le souci de répondre aux besoins sécuritaires réels des gens.  


En confiant d’abord à l'État le soin d’exercer à l’intérieur comme à l’extérieur d’un espace géopolitique les contraintes coercitives nécessaires à la sûreté des individus, les libéraux peuvent à première vue paraître ne pas différer fondamentalement  sur ce plan des autres philosophies politiques. Cependant, en limitant souvent constitutionnellement l’action de l’Etat à cette seule mission, en lui assignant pour seule fin la protection de la liberté individuelle et en plaçant celle-ci sous le contrôle des individus libres de la compléter ou la concurrencer par leurs initiatives d’auto-organisation ou le recours à des compagnies d’assurance privées (donc en passant du monopole absolu de l’action coercitive au seul impératif d’enforcement d’un Droit commun pouvant être assuré de manière diversifiée, décentralisée, voire déterritorialisée et concurrentielle…), ils affirment une spécificité à l’incontestable originalité. Elle se traduit par une inversion/subversion du sens traditionnel de l’intervention contraignante de la puissance publique : subsidiarisée, strictement asservie au rôle d’ultime garant de la sûreté et de la légitimité de tout usage de la force…
En confiant d’abord à l'État le soin d’exercer à l’intérieur comme à l’extérieur d’un espace géopolitique les contraintes coercitives nécessaires à la sûreté des individus, les libéraux peuvent à première vue paraître ne pas différer fondamentalement  sur ce plan des autres philosophies politiques. Cependant, en limitant souvent constitutionnellement l’action de l’Etat à cette seule mission, en lui assignant pour seule fin la protection de la liberté individuelle et en plaçant celle-ci sous le contrôle des individus libres de la compléter ou la concurrencer par leurs initiatives d’auto-organisation ou le recours à des compagnies d’assurance privées (donc en passant du monopole absolu de l’action coercitive au seul impératif d’enforcement d’un Droit commun pouvant être assuré de manière diversifiée, décentralisée, voire déterritorialisée et concurrentielle…), ils affirment une spécificité à l’incontestable originalité. Elle se traduit par une inversion/subversion du sens traditionnel de l’intervention contraignante de la puissance publique : subsidiarisée, strictement asservie au rôle d’ultime garant de la sûreté et de la légitimité de tout usage de la force…
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