Différences entre les versions de « Friedrich A. Hayek:La politique du desperado »

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==Un objectif nécessairement modeste==
==Un objectif nécessairement modeste==


si la politique économique ne peut atteindre le plein-emploi, peut-on lui a signé un objectif plus réalisable ? Bien que Hayek suggère que de telles mesures puissent être prises, ce n'est pas, bien entendu, l'action de l'Etat qui est censée résoudre les problèmes. Il faut au contraire, selon lui, laisser agir les forces spontanées du marché.
Si la politique économique ne peut atteindre le plein-emploi, peut-on lui asigner un objectif plus réalisable ? Bien que Hayek suggère que de telles mesures puissent être prises, ce n'est pas, bien entendu, l'action de l'Etat qui est censée résoudre les problèmes. Il faut au contraire, selon lui, laisser agir les forces spontanées du marché.


===Des mesures différentes selon les moments du cycle===
===Des mesures différentes selon les moments du cycle===


dans le cadre du court terme, des mesures limitées peuvent être entreprises. Elles ne peuvent toutefois voir que des objectifs modestes. La marge laissée aux actions efficaces est extrêmement étroite.
Dans le cadre du court terme, des mesures limitées peuvent être entreprises. Elles ne peuvent toutefois voir que des objectifs modestes. La marge laissée aux actions efficaces est extrêmement étroite.


L'Etat, pour Hayek, ne peut qu'accompagner les forces du marché. Les mesures qu'il prend ne doivent pas entraver les mécanismes rééquilibrants. Son objectif ne peut être ainsi que de réduire la violence des fluctuations cycliques. Pour cette raison, on ne peut agir efficacement que pendant la période d'expansion. Il faut en effet, pour Hayek, laisser s'accroître le taux d'intérêt pendant que la croissance est forte. Celle-ci en est évidemment freinée, mais c'est un frein salutaire puisqu'il permet d'adapter l'investissement en ressources disponibles. Plus faible, la croissance n'en est que plus saine. Le cycle ne peut être totalement éliminé puisqu'il est dû à l'existence de la monnaie de crédit liée en partie à l'action des banques privées. Mais la violence de ses phases de croissance et de dépression peut être réduite en empêchant la hausse artificielle du crédit stimulé par l'Etat.
L'Etat, pour Hayek, ne peut qu'accompagner les forces du marché. Les mesures qu'il prend ne doivent pas entraver les mécanismes rééquilibrant. Son objectif ne peut être ainsi que de réduire la violence des fluctuations cycliques. Pour cette raison, on ne peut agir efficacement que pendant la période d'expansion. Il faut en effet, pour Hayek, laisser s'accroître le taux d'intérêt pendant que la croissance est forte. Celle-ci en est évidemment freinée, mais c'est un frein salutaire puisqu'il permet d'adapter l'investissement en ressources disponibles. Plus faible, la croissance n'en est que plus saine. Le cycle ne peut être totalement éliminé puisqu'il est dû à l'existence de la monnaie de crédit liée en partie à l'action des banques privées. Mais la violence de ses phases de croissance et de dépression peut être réduite en empêchant la hausse artificielle du crédit stimulée par l'Etat.


Cela ne signifie pas cependant que l'Etat doive s'interdire toute action une fois la crise déclenchée. Cette action s'inscrit dans des limites étroites. Il faut en effet d'un côté laisser baisser les prix et les profits, puisque c'est leur baisse qui stimule l'augmentation de la demande de biens d'investissement et qui crée donc les conditions d'une reprise ultérieure. Mais il faut aussi, d'un autre côté, les empêcher de baisser de manière excessive car si le profit est trop faible au début de la reprise, la demande de biens d'investissement sera très forte. Puisque les ressources seront consacrées en majeure partie à l'investissement et non à l'offre de biens de consommation, le prix de ces biens augmentera rapidement dès que leur demande sera stimulée par la hausse des revenus. La reprise sera sans doute forte mais brève et une nouvelle crise surgira rapidement.
Cela ne signifie pas cependant que l'Etat doive s'interdire toute action une fois la crise déclenchée. Cette action s'inscrit dans des limites étroites. Il faut en effet d'un côté laisser baisser les prix et les profits, puisque c'est leur baisse qui stimule l'augmentation de la demande de biens d'investissement et qui crée donc les conditions d'une reprise ultérieure. Mais il faut aussi, d'un autre côté, les empêcher de baisser de manière excessive car si le profit est trop faible au début de la reprise, la demande de biens d'investissement sera très forte. Puisque les ressources seront consacrées en majeure partie à l'investissement et non à l'offre de biens de consommation, le prix de ces biens augmentera rapidement dès que leur demande sera stimulée par la hausse des revenus. La reprise sera sans doute forte mais brève et une nouvelle crise surgira rapidement.


Ainsi, dans la dépression, pour empêcher une baisse excessive des prix et des profits, Hayek accepte l'idée qu'une politique de dépenses publiques puisse être entreprise. Celle-ci, souligne-t-il, est cependant très difficile à mettre en oeuvre. En effet, si les mesures sont prises trop tôt elles empêchent le mouvement d'ajustement des prix. Si elles sont trop fortes, elles élèvent excessivement les profits et stimule ainsi davantage la demande de biens de consommation que celle de biens d'investissement.
Ainsi, dans la dépression, pour empêcher une baisse excessive des prix et des profits, Hayek accepte l'idée qu'une politique de dépenses publiques puisse être entreprise. Celle-ci, souligne-t-il, est cependant très difficile à mettre en oeuvre. En effet, si les mesures sont prises trop tôt elles empêchent le mouvement d'ajustement des prix. Si elles sont trop fortes, elles élèvent excessivement les profits et stimulent ainsi davantage la demande de biens de consommation que celle de biens d'investissement.


On le voit, si Hayek semble justifier, dans d'étroites limites, une politique de dépenses publiques, il le fait de telle sorte que ses effets pervers ressortent plus fortement que ses effets positifs.
On le voit, si Hayek semble justifier, dans d'étroites limites, une politique de dépenses publiques, il le fait de telle sorte que ses effets pervers ressortent plus fortement que ses effets positifs.
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===L'ajustement à long terme est la seule solution===
===L'ajustement à long terme est la seule solution===


ce n'est donc pas à court terme que le niveau de l'emploi peut être élevé durablement pour Hayek. Et ce n'est sûrement pas, selon lui, grâce à l'action de l'Etat. Au contraire, puisque la prise en compte des variations de prix montre qu'il existe des forces autorégulatrices, mieux vaut alors laisser jouer le marché. Mieux vaut favoriser les processus spontanés en supprimant les rigidités.
Ce n'est donc pas à court terme que le niveau de l'emploi peut être élevé durablement pour Hayek. Et ce n'est sûrement pas, selon lui, grâce à l'action de l'Etat. Au contraire, puisque la prise en compte des variations de prix montre qu'il existe des forces autorégulatrices, mieux vaut alors laisser jouer le marché. Mieux vaut favoriser les processus spontanés en supprimant les rigidités.


Le marché du travail en particulier doit être rendu plus flexible. Nous avons vu en effet que le raisonnement de Hayek supposait les salaires nominaux rigides. Que se passe-t-il alors si ceux-ci varient en fonction de la conjoncture ? En cas de dépression, ils baisseront. Pour Hayek, cette baisse aura uniquement un effet positif : la reprise sera plus durable puisque l'écart entre l'offre et la demande de de biens de consommation sera réduit. La hausse du prix de biens de consommation que met en avant l'effet Ricardo sera affaiblie. Elle permet d'atteindre un « maximum à court terme d'emploi stable plus élevé ». Mais il existe aussi un autre effet, négatif, que Hayek ne souligne pas : la reprise arrivera plus tardivement puisque c'est la hausse de la demande de biens d'investissement qui détermine le retournement favorable de l'activité. Or, si les salaires nominaux baissent, ils peuvent maintenir les salaires réels un niveau faible, voire provoquer leur chute. On peut alors avoir un risque d'une dépression qui se prolonge pendant une durée non déterminée ou, hier encore, qui s'aggrave. Il semble bien que Hayek, pour mettre en évidence le rôle autorégulateur de la flexibilité des prix (ici des salaires), ne tire pas toutes les conséquences de sa propre analyse.
Le marché du travail en particulier doit être rendu plus flexible. Nous avons vu en effet que le raisonnement de Hayek supposait les salaires nominaux rigides. Que se passe-t-il alors si ceux-ci varient en fonction de la conjoncture ? En cas de dépression, ils baisseront. Pour Hayek, cette baisse aura uniquement un effet positif : la reprise sera plus durable puisque l'écart entre l'offre et la demande de de biens de consommation sera réduit. La hausse du prix de biens de consommation que met en avant l'effet Ricardo sera affaiblie. Elle permet d'atteindre un « maximum à court terme d'emploi stable plus élevé ». Mais il existe aussi un autre effet, négatif, que Hayek ne souligne pas : la reprise arrivera plus tardivement puisque c'est la hausse de la demande de biens d'investissement qui détermine le retournement favorable de l'activité. Or, si les salaires nominaux baissent, ils peuvent maintenir les salaires réels un niveau faible, voire provoquer leur chute. On peut alors avoir un risque d'une dépression qui se prolonge pendant une durée non déterminée ou, hier encore, qui s'aggrave. Il semble bien que Hayek, pour mettre en évidence le rôle autorégulateur de la flexibilité des prix (ici des salaires), ne tire pas toutes les conséquences de sa propre analyse.
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Néanmoins la flexibilité du travail, bien que nécessaire, n'est, pour Hayek lui-même, pas suffisante. Le niveau d'emploi qui peut être atteint est toujours limité par la différence de taux d'activité entre les stades de production. Comme nous l'avons vu, Hayek fait l'hypothèse d'un taux de chômage plus élevé dans les industries qui produisent des biens d'investissement. C'est pour cette raison que la croissance se bloque nécessairement à court terme : le plein-emploi est atteint plus tôt dans les industries de biens de consommation. Chaque augmentation ultérieure du revenu et de la demande de biens de consommation des individus se traduit alors par cet accroissement de prix qui crée les conditions d'une crise ultérieure.
Néanmoins la flexibilité du travail, bien que nécessaire, n'est, pour Hayek lui-même, pas suffisante. Le niveau d'emploi qui peut être atteint est toujours limité par la différence de taux d'activité entre les stades de production. Comme nous l'avons vu, Hayek fait l'hypothèse d'un taux de chômage plus élevé dans les industries qui produisent des biens d'investissement. C'est pour cette raison que la croissance se bloque nécessairement à court terme : le plein-emploi est atteint plus tôt dans les industries de biens de consommation. Chaque augmentation ultérieure du revenu et de la demande de biens de consommation des individus se traduit alors par cet accroissement de prix qui crée les conditions d'une crise ultérieure.


Pour qu'un niveau d'emploi plus élevé puisse être durable, il faut donc que la croissance de l'activité soit plus importante dans les industries de biens d'investissement que dans celle de biens de consommation. Il n'y a qu'une seule façon, pour Hayek, d'atteindre ce type de croissance : par une élévation du taux d'épargne. C'est donc bien le niveau volontaire d'épargne des individus qui est la variable stratégique. C'est lui seul qui peut élever le niveau de l'emploi. Une fois encore l'épargne apparaît comme la contrainte absolue qui pèse sur l'économie. Toute mesure qui l'affaiblit a un effet négatif sur le niveau de l'emploi. Contrairement à la position de Keynes, l'augmentation de cette dernière ne peut augmenter le chômage. La position keynésienne est liée, pour Hayek, un raisonnement qui étudie de manière insuffisante l'effet des variations de prix et qui se développe exclusivement dans un cadre de court terme.
Pour qu'un niveau d'emploi plus élevé puisse être durable, il faut donc que la croissance de l'activité soit plus importante dans les industries de biens d'investissement que dans celles de biens de consommation. Il n'y a qu'une seule façon, pour Hayek, d'atteindre ce type de croissance : par une élévation du taux d'épargne. C'est donc bien le niveau volontaire d'épargne des individus qui est la variable stratégique. C'est lui seul qui peut élever le niveau de l'emploi. Une fois encore l'épargne apparaît comme la contrainte absolue qui pèse sur l'économie. Toute mesure qui l'affaiblit a un effet négatif sur le niveau de l'emploi. Contrairement à la position de Keynes, l'augmentation de cette dernière ne peut augmenter le chômage. La position keynésienne est liée, pour Hayek, à un raisonnement qui étudie de manière insuffisante l'effet des variations de prix et qui se développe exclusivement dans un cadre de court terme.


==La remise en cause de l'effet Ricardo==
==La remise en cause de l'effet Ricardo==


la critique des politiques de plein-emploi repose donc sur le mécanisme de l'effet Ricardo. Celui-ci ne peut-il être mis en question ? Nous allons voir que les attaques dont il était l'objet ont poussé Hayek sur la défensive. L'ensemble de la position hayékienne s'en est trouvé affaiblie. Les difficultés logiques mises en évidence ne pouvaient en effet que rejaillir sur les conclusions en termes de politique économique.
La critique des politiques de plein-emploi repose donc sur le mécanisme de l'effet Ricardo. Celui-ci ne peut-il être mis en question ? Nous allons voir que les attaques dont il était l'objet ont poussé Hayek sur la défensive. L'ensemble de la position hayékienne s'en est trouvé affaiblie. Les difficultés logiques mises en évidence ne pouvaient en effet que rejaillir sur les conclusions en termes de politique économique.


===Effet d'échelle et méthode de production===
===Effet d'échelle et méthode de production===


Kaldor faisait partie de ses nombreux économistes qui avaient été fascinés par les conférences de Hayek au début des années 1930 puis s'était rallié aux analyses keynésiennes. En 1939 il va développer une critique de ce qu'il appelle l'« effet accordéon » de Hayek, expression ironique qui représente la variation de la structure de production. Son objectif est de montrer que l'augmentation du prix d'un bien ne peut pas conduire à une baisse de la demande de biens d'investissement. Le changement de méthode de production ne peut tout au plus, selon lui, que freiner la demande de ces biens. Il ne peut donc pas provoquer de retournement du cycle.
Kaldor faisait partie de ces nombreux économistes qui avaient été fascinés par les conférences de Hayek au début des années 1930 puis s'était rallié aux analyses keynésiennes. En 1939, il va développer une critique de ce qu'il appelle l'« effet accordéon » de Hayek, expression ironique qui représente la variation de la structure de production. Son objectif est de montrer que l'augmentation du prix d'un bien ne peut pas conduire à une baisse de la demande de biens d'investissement. Le changement de méthode de production ne peut tout au plus, selon lui, que freiner la demande de ces biens. Il ne peut donc pas provoquer de retournement du cycle.


Pour justifier sa position, Kaldor dénoncent les défauts du raisonnement de Hayek qui lui apparaissent fondamentaux. Ce raisonnement repose en effet sur l'idée qu'un entrepreneur envisage la manière la plus profitable d'investir d'une somme donnée de monnaie. Il choisit la méthode qui fournit la rentabilité la plus forte pour cette somme. Or, souligne Kaldor, la différence de période d'investissement détermine une différence dont la valeur de la production écoulée pendant une durée de temps identique. Dans les deux cas, la valeur de la production correspondra à la somme investie augmentée du taux de rendement. Mais dans la méthode longue (achat de machines par exemple), cette valeur sera écoulée au bout de deux ans, dans la méthode courte (embauche de salariés essentiellement) au bout de deux mois. Si l'on compare les deux méthodes pendant la même période de temps (deux ans par exemple), on s'aperçoit que la valeur de la production écoulée par la méthode courte est 12 fois supérieure à celle de la méthode longue.
Pour justifier sa position, Kaldor dénonce les défauts du raisonnement de Hayek qui lui apparaissent fondamentaux. Ce raisonnement repose en effet sur l'idée qu'un entrepreneur envisage la manière la plus profitable d'investir d'une somme donnée de monnaie. Il choisit la méthode qui fournit la rentabilité la plus forte pour cette somme. Or, souligne Kaldor, la différence de période d'investissement détermine une différence dont la valeur de la production écoulée pendant une durée de temps identique. Dans les deux cas, la valeur de la production correspondra à la somme investie augmentée du taux de rendement. Mais dans la méthode longue (achat de machines par exemple), cette valeur sera écoulée au bout de deux ans, dans la méthode courte (embauche de salariés essentiellement) au bout de deux mois. Si l'on compare les deux méthodes pendant la même période de temps (deux ans par exemple), on s'aperçoit que la valeur de la production écoulée par la méthode courte est 12 fois supérieure à celle de la méthode longue.


Pour Kaldor, ce raisonnement n'est pas compatible avec l'hypothèse de taux d'intérêt constant. Celle-ci revient à supposer l'absence de contrainte de financement. Dans ce cas, rien n'empêche l'entrepreneur d'envisager d'écouler une valeur de la production identique avec la méthode longue. Cela l'obligera bien entendu à un investissement initial plus important. Les termes du choix sont alors différents de ce qu'ils sont chez Hayek. L'entrepreneur ne cherche pas à obtenir le taux de rendement le plus important pour une somme initiale donnée. Il cherche à rendre son profit maximum pour une valeur de la production identique. Il va donc comparer les coûts des deux méthodes et il pourra décider, en fonction du taux d'intérêt, s'il est avantageux d'emprunter pour acheter des machines nouvelles. Il n'y a donc que les coûts des deux méthodes et le taux d'intérêt qui peuvent faire varier sa décision. Ainsi une augmentation du prix du bien incite essentiellement l'entrepreneur à augmenter l'échelle de sa production. Le choix pour deux méthodes moins intensives en travail freinent sans aucun doute, dit Kaldor, l'augmentation de la demande de biens d'investissement. Mais en aucun cas son choix ne peut provoquer une baisse de cette demande.
Pour Kaldor, ce raisonnement n'est pas compatible avec l'hypothèse de taux d'intérêt constant. Celle-ci revient à supposer l'absence de contrainte de financement. Dans ce cas, rien n'empêche l'entrepreneur d'envisager d'écouler une valeur de la production identique avec la méthode longue. Cela l'obligera bien entendu à un investissement initial plus important. Les termes du choix sont alors différents de ce qu'ils sont chez Hayek. L'entrepreneur ne cherche pas à obtenir le taux de rendement le plus important pour une somme initiale donnée. Il cherche à rendre son profit maximum pour une valeur de la production identique. Il va donc comparer les coûts des deux méthodes et il pourra décider, en fonction du taux d'intérêt, s'il est avantageux d'emprunter pour acheter des machines nouvelles. Il n'y a donc que les coûts des deux méthodes et le taux d'intérêt qui peuvent faire varier sa décision. Ainsi une augmentation du prix du bien incite essentiellement l'entrepreneur à augmenter l'échelle de sa production. Le choix pour deux méthodes moins intensives en travail freinent sans aucun doute, dit Kaldor, l'augmentation de la demande de biens d'investissement. Mais en aucun cas son choix ne peut provoquer une baisse de cette demande.
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===La défense de Hayek : le retour du taux d'intérêt===
===La défense de Hayek : le retour du taux d'intérêt===


Hayek a bien entendu tenter de répondre aux critiques qui lui étaient adressées. Ses réponses, loin de lui permettre de rétablir sa théorie témoignent de son embarras. Il ne va pas, en effet, remettre en cause de la logique du raisonnement de Kaldor. Au contraire, les arguments qu'il avance le situent sur le terrain de son adversaire. Prenons de des principales positions qu'il soutient comme illustration des difficultés auxquelles il est confronté.
Hayek a bien entendu tenter de répondre aux critiques qui lui étaient adressées. Ses réponses, loin de lui permettre de rétablir sa théorie témoignent de son embarras. Il ne va pas, en effet, remettre en cause la logique du raisonnement de Kaldor. Au contraire, les arguments qu'il avance le situent sur le terrain de son adversaire. Prenons les principales positions qu'il soutient comme illustration des difficultés auxquelles il est confronté.


Hayek va reprocher à Kaldor de ne pas avoir pris en compte l'effet de la rareté des facteurs de production. En cela, il avance un argument classique de la critique générale de l'interventionnisme par les Autrichiens. C'est bien toujours cette hypothèse d'abondance qui font de selon eux les analyses favorables à l'action de l'Etat.
Hayek va reprocher à Kaldor de ne pas avoir pris en compte l'effet de la rareté des facteurs de production. En cela, il avance un argument classique de la critique générale de l'interventionnisme par les Autrichiens. C'est bien toujours cette hypothèse d'abondance qui font selon eux les analyses favorables à l'action de l'Etat.


Quel est alors que cet effet de la rareté ? Il est simple : les prix des équipements les plus intensifs en capital augmentent nécessairement plus, pour Hayek, que ceux qui incorporent davantage de travail. Reste à trouver la raison d'une telle évolution différente des prix. Elle provient, selon Hayek, d'une rareté plus importante de travail dans les industries qui fabriquent des biens d'investissement. Ainsi, réaffirme-t-il, les méthodes de production sont bien modifiées dans le sens prévu par sa théorie. L'augmentation du prix des biens de consommation provoquée par l'accroissement de la demande conduite à une augmentation plus forte du prix des méthodes intensives en capital. Les entrepreneurs sont, de ce fait, incités à choisir des méthodes plus courtes.
Quel est alors que cet effet de la rareté ? Il est simple : les prix des équipements les plus intensifs en capital augmentent nécessairement plus, pour Hayek, que ceux qui incorporent davantage de travail. Reste à trouver la raison d'une telle évolution différente des prix. Elle provient, selon Hayek, d'une rareté plus importante de travail dans les industries qui fabriquent des biens d'investissement. Ainsi, réaffirme-t-il, les méthodes de production sont bien modifiées dans le sens prévu par sa théorie. L'augmentation du prix des biens de consommation provoquée par l'accroissement de la demande conduit à une augmentation plus forte du prix des méthodes intensives en capital. Les entrepreneurs sont, de ce fait, incités à choisir des méthodes plus courtes.


Cette défense est cependant extrêmement fragile. D'une part, ce n'est plus la variation du prix des biens et des salaires réels qui déterminent directement le changement de méthode. C'est maintenant la variation des coûts relatifs qui joue ce rôle, conformément à l'argument avancé par Kaldor. D'autre part, l'hypothèse avancée par Hayek et contradictoire avec celle qu'il soutenait auparavant. Sa théorie supposait que le taux de chômage était supérieur dans les industries de biens d'investissement à celui des industries de biens de consommation. C'est l'hypothèse inverse qui est proposé ici : si la rareté du travail se fait plus sentir dans les industries qui produisent des biens d'investissement sait, implicitement, que le taux de chômage y est plus faible. Comment concilier ces deux hypothèses opposées ? Hayek ne répond pas à cette question qui met en cause la cohérence de sa démarche.
Cette défense est cependant extrêmement fragile. D'une part, ce n'est plus la variation du prix des biens et des salaires réels qui déterminent directement le changement de méthode. C'est maintenant la variation des coûts relatifs qui joue ce rôle, conformément à l'argument avancé par Kaldor. D'autre part, l'hypothèse avancée par Hayek est contradictoire avec celle qu'il soutenait auparavant. Sa théorie supposait que le taux de chômage était supérieur dans les industries de biens d'investissement à celui des industries de biens de consommation. C'est l'hypothèse inverse qui est proposé ici : si la rareté du travail se fait plus sentir dans les industries qui produisent des biens d'investissement c'est, implicitement, que le taux de chômage y est plus faible. Comment concilier ces deux hypothèses opposées ? Hayek ne répond pas à cette question qui met en cause la cohérence de sa démarche.


La seconde illustration confirme, elle aussi, l'efficacité de la critique de Kaldor. Hayek évoque en effet des problèmes de financement pour expliquer le changement de méthode de production. Là encore, comment concilier cette position avec hypothèse d'un taux d'intérêt constant qui correspond à une absence de contrainte de financement ? Hayek avance l'idée d'un décalage d'informations entre banques et entrepreneurs. Pour la banque, le prêt est risqué. Elle aura ainsi tendance à ne pas offrir un taux d'intérêt unique quelle que soit la quantité empruntée par un entrepreneur individuel. Plus la quantité empruntée par une même entreprise est importante, plus la banque augmentera son taux d'intérêt. Celui-ci, pour Hayek, augmente donc par paliers. Chaque entrepreneur subit une contrainte de financement, ce qui a un effet sur le choix des méthodes de production. Une fois encore, Hayek s'éloigne de son objectif initial qui était de montrer que le changement de méthode de production, et le retournement cyclique qu'il provoque à terme, pouvait se produire indépendamment une contrainte de financement. Implicitement, la conséquence est importante car ce n'est plus l'Etat qui peut être mis en cause mais c'est l'attitude des banques, c'est-à-dire d'agents privés.
La seconde illustration confirme, elle aussi, l'efficacité de la critique de Kaldor. Hayek évoque en effet des problèmes de financement pour expliquer le changement de méthode de production. Là encore, comment concilier cette position avec hypothèse d'un taux d'intérêt constant qui correspond à une absence de contrainte de financement ? Hayek avance l'idée d'un décalage d'informations entre banques et entrepreneurs. Pour la banque, le prêt est risqué. Elle aura ainsi tendance à ne pas offrir un taux d'intérêt unique quelle que soit la quantité empruntée par un entrepreneur individuel. Plus la quantité empruntée par une même entreprise est importante, plus la banque augmentera son taux d'intérêt. Celui-ci, pour Hayek, augmente donc par paliers. Chaque entrepreneur subit une contrainte de financement, ce qui a un effet sur le choix des méthodes de production. Une fois encore, Hayek s'éloigne de son objectif initial qui était de montrer que le changement de méthode de production, et le retournement cyclique qu'il provoque à terme, pouvait se produire indépendamment d'une contrainte de financement. Implicitement, la conséquence est importante car ce n'est plus l'Etat qui peut être mis en cause mais c'est l'attitude des banques, c'est-à-dire d'agents privés.
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Nous retrouvons donc ici le rôle central de la monnaie. En réintroduisant une contrainte de financement dans une approche qui voulait l'écarter, Hayek marque le caractère incontournable d'une analyse des relations monétaires. Toute la critique de l'interventionnisme est , en effet, une critique du régime monétaire qui lui est associé et qui donne une plus grande liberté d'action à l'Etat.
Nous retrouvons donc ici le rôle central de la monnaie. En réintroduisant une contrainte de financement dans une approche qui voulait l'écarter, Hayek marque le caractère incontournable d'une analyse des relations monétaires. Toute la critique de l'interventionnisme est, en effet, une critique du régime monétaire qui lui est associé et qui donne une plus grande liberté d'action à l'Etat.


Il semble bien cependant que les conclusions normatives qui sont tirées du cadre autrichien par Mises et Hayek sont fondées sur un approfondissement insuffisant de l'analyse des relations monétaires et du rôle du crédit. La relation positive notée par Hayek lui-même dans son ouvrage de 1929 entre crédit et croissance, ainsi que les développements de Lachmann sur l'effet positif du crédit sur le rythme du progrès technique, montre bien que l'effet déstabilisateur du crédit n'est pas la conclusion unique que l'on peut tirer de l'approche autrichienne. La critique de Kaldor, quant à elle, insiste sur la primauté de l'accroissement de l'échelle de production et remet en cause le caractère inéluctable du retournement cyclique en l'absence de contrainte de financement ou de hausse des coûts. Une politique économique associant régulation monétaire, budgétaire, et politiques des revenus n'apparaît pas nécessairement incompatible avec l'approche autrichienne. L'idée d'une relation logique, nécessaire, entre la théorie économique autrichienne et les conclusions libérales apparaît ainsi fortement discutable, liée à une analyse trop restreinte des effets de la monnaie et du crédit.
Il semble bien cependant que les conclusions normatives qui sont tirées du cadre autrichien par Mises et Hayek sont fondées sur un approfondissement insuffisant de l'analyse des relations monétaires et du rôle du crédit. La relation positive notée par Hayek lui-même dans son ouvrage de 1929 entre crédit et croissance, ainsi que les développements de Lachmann sur l'effet positif du crédit sur le rythme du progrès technique, montre bien que l'effet déstabilisateur du crédit n'est pas la conclusion unique que l'on peut tirer de l'approche autrichienne. La critique de Kaldor, quant à elle, insiste sur la primauté de l'accroissement de l'échelle de production et remet en cause le caractère inéluctable du retournement cyclique en l'absence de contrainte de financement ou de hausse des coûts. Une politique économique associant régulation monétaire, budgétaire, et politiques des revenus n'apparaît pas nécessairement incompatible avec l'approche autrichienne. L'idée d'une relation logique, nécessaire, entre la théorie économique autrichienne et les conclusions libérales apparaît ainsi fortement discutable, liée à une analyse trop restreinte des effets de la monnaie et du crédit.
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