Différences entre les versions de « Jean-Jacques Rosa:Bastiat: illusions et désillusions libérales »

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{{titre|Bastiat : illusions et désillusions libérales|[[Jean-Jacques Rosa]]|Article paru dans ''[[:wl:Commentaire|Commentaire]]'', printemps 2005, vol 28, N°109}
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Claude Frédéric Bastiat revient à la mode. Ignoré en France pendant la plus grande partie du siècle dernier il est récemment devenu l’économiste français certainement le plus cité outre atlantique, en particulier dans les milieux intellectuels et les « think tanks » libéraux où ses écrits ont été traduits et largement diffusés<ref>Ainsi de la brochure diffusée en 2002 par l’Institut économique de Montréal, « Frédéric Bastiat, défenseur du bon sens économique » accompagnée d’une préface élogieuse de Bob McTeer, président directeur général de la Federal Reserve Bank de Dallas qui souligne que « plus qu’aucune autre personne avant lui ou depuis, Bastiat a démasqué les erreurs économiques avec une clarté, une simplicité et un humour qui ont dévasté ses adversaires ».</ref>. Il est redécouvert aujourd’hui dans son propre pays comme en témoigne la publication d’un recueil de quelques-uns de ses textes, tirés notamment des Harmonies Économiques, et intitulé « L'État, c’est toi ! » (L’Arche éditeur, 2004, avec une postface de Jean-Pierre Vesperini). Cet ouvrage complète utilement celui qu’[[:wl:Alain Madelin|Alain Madelin|Alain Madelin]], lorsqu’il était Ministre des Entreprises et du Développement, en 1993, avait publié en reprenant le titre d’une de ses œuvres les plus significatives : « Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas » (Éditions Romillat).
Claude [[Frédéric Bastiat]] revient à la mode. Ignoré en France pendant la plus grande partie du siècle dernier il est récemment devenu l’économiste français certainement le plus cité outre atlantique, en particulier dans les milieux intellectuels et les « think tanks » libéraux où ses écrits ont été traduits et largement diffusés<ref>Ainsi de la brochure diffusée en 2002 par l’Institut économique de Montréal, « Frédéric Bastiat, défenseur du bon sens économique » accompagnée d’une préface élogieuse de Bob McTeer, président directeur général de la Federal Reserve Bank de Dallas qui souligne que « plus qu’aucune autre personne avant lui ou depuis, Bastiat a démasqué les erreurs économiques avec une clarté, une simplicité et un humour qui ont dévasté ses adversaires ».</ref>. Il est redécouvert aujourd’hui dans son propre pays comme en témoigne la publication d’un recueil de quelques-uns de ses textes, tirés notamment des Harmonies Économiques, et intitulé « L'État, c’est toi ! » (L’Arche éditeur, 2004, avec une postface de Jean-Pierre Vesperini). Cet ouvrage complète utilement celui qu’[[:wl:Alain Madelin|Alain Madelin]], lorsqu’il était Ministre des Entreprises et du Développement, en 1993, avait publié en reprenant le titre d’une de ses œuvres les plus significatives : « Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas » (Éditions Romillat).


Ces hommages tardifs sont pleinement mérités car Bastiat est effectivement, outre ses qualités d’homme politique, de journaliste et de polémiste, un économiste critique de première importance que la clarté de son style, son humour et sa simplicité d’expression ont probablement, et paradoxalement, desservi, tout au moins dans le monde universitaire où la lourdeur, le formalisme et le pédantisme creux passent souvent pour autant de gages de sérieux et permettent d’éviter les prises de positions trop nettes et facilement compréhensibles qui peuvent s’avérer gênantes sur le plan politique. Il est vrai aussi que la critique mordante de l'État, du dirigisme et des réglementations a fait partager à son auteur les fluctuations de popularité de la philosophie politique dominante. Or, à la brève phase d’affirmation des idées libérales en France, qui va du premier tiers du XIXème siècle jusqu’à l’aube du XXème , succède une longue période de dénigrement et de complète relégation qui n’a été remise en cause que partiellement et récemment.
Ces hommages tardifs sont pleinement mérités car Bastiat est effectivement, outre ses qualités d’homme politique, de journaliste et de polémiste, un économiste critique de première importance que la clarté de son style, son humour et sa simplicité d’expression ont probablement, et paradoxalement, desservi, tout au moins dans le monde universitaire où la lourdeur, le formalisme et le pédantisme creux passent souvent pour autant de gages de sérieux et permettent d’éviter les prises de positions trop nettes et facilement compréhensibles qui peuvent s’avérer gênantes sur le plan politique. Il est vrai aussi que la critique mordante de l'État, du dirigisme et des réglementations a fait partager à son auteur les fluctuations de popularité de la philosophie politique dominante. Or, à la brève phase d’affirmation des idées libérales en France, qui va du premier tiers du XIXème siècle jusqu’à l’aube du XXème , succède une longue période de dénigrement et de complète relégation qui n’a été remise en cause que partiellement et récemment.
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L’équilibre politique des forces n’est pas nécessairement figé et immuable : il évolue. C’est pourquoi nous observons aujourd’hui un renouveau du libéralisme et un regain de la critique de l’extension, jugée désormais excessive, de la sphère étatique. Le coût des transferts étatiques relativement à celui des gains à attendre des productions marchandes, s’est beaucoup élevé depuis la période d’étatisme triomphant du milieu du vingtième siècle. Ce qui rend plus avantageux, en définitive, un rééquilibrage réduisant les dimensions des Etats et laissant se développer davantage les échanges privés nationaux et internationaux, ce que l’on désigne par la « globalisation » des économies ou la crise des Etats qui n’est que l’autre aspect du même phénomène. La source de ces évolutions ne se trouve pas tant dans une meilleure analyse des inconvénients des transferts que dans un changement des conditions de l’activité des Etats. C’est la réduction de la dimension optimale des Etats, rendue souhaitable par la révolution de l’information et de l’organisation de la fin du vingtième siècle, qui en est la cause profonde et qui rend urgente la contraction de l’économie de transferts. Quand les prélèvements fiscaux sont relativement rentables et la centralisation des décisions plus efficace un Etat plus grand peut s’imposer parce que ses coûts sont plus faibles que ceux de plus petits Etats. Agissant sur un plus grand périmètre il peut multiplier ses interventions dans toutes les directions. Au contraire lorsque les coûts de prélèvement des impôts et de la centralisation vont croissant, des organisations de plus petites dimensions deviennent plus compétitives et les Etats doivent réduire leur périmètre. Il faut alors réduire leurs interventions, c’est-à-dire leurs transferts.
L’équilibre politique des forces n’est pas nécessairement figé et immuable : il évolue. C’est pourquoi nous observons aujourd’hui un renouveau du libéralisme et un regain de la critique de l’extension, jugée désormais excessive, de la sphère étatique. Le coût des transferts étatiques relativement à celui des gains à attendre des productions marchandes, s’est beaucoup élevé depuis la période d’étatisme triomphant du milieu du vingtième siècle. Ce qui rend plus avantageux, en définitive, un rééquilibrage réduisant les dimensions des Etats et laissant se développer davantage les échanges privés nationaux et internationaux, ce que l’on désigne par la « globalisation » des économies ou la crise des Etats qui n’est que l’autre aspect du même phénomène. La source de ces évolutions ne se trouve pas tant dans une meilleure analyse des inconvénients des transferts que dans un changement des conditions de l’activité des Etats. C’est la réduction de la dimension optimale des Etats, rendue souhaitable par la révolution de l’information et de l’organisation de la fin du vingtième siècle, qui en est la cause profonde et qui rend urgente la contraction de l’économie de transferts. Quand les prélèvements fiscaux sont relativement rentables et la centralisation des décisions plus efficace un Etat plus grand peut s’imposer parce que ses coûts sont plus faibles que ceux de plus petits Etats. Agissant sur un plus grand périmètre il peut multiplier ses interventions dans toutes les directions. Au contraire lorsque les coûts de prélèvement des impôts et de la centralisation vont croissant, des organisations de plus petites dimensions deviennent plus compétitives et les Etats doivent réduire leur périmètre. Il faut alors réduire leurs interventions, c’est-à-dire leurs transferts.
Mais cet équilibre changeant des forces échappe à Bastiat. Il oublie qu’une certaine distribution de rentes politiques est indispensable à la stabilité du pouvoir, elle-même nécessaire à la défense de la loi et de l’ordre social. Il ne conçoit pas non plus que cet équilibre politique puisse avoir des déterminants objectifs et que, de ce fait, il puisse évoluer dans le temps. Sa faiblesse est de ne pas comprendre la « realpolitk » et sa dynamique autonome. Comme beaucoup de réformateurs il a une vision romantique de la réforme qui résulterait de l’initiative de quelques individus clairvoyants et déterminés dont les analyses soudain prévaudraient sur les erreurs et les illusions supposées de tous les autres acteurs. La puissance du seul raisonnement et de l’expression des idées permettrait ainsi de corriger et de changer en profondeur, et presque à volonté, les réalités sociales. Cette vision partielle, et idéalisée en un sens, de la société politique constitue ainsi à son tour une fiction, c’est-à-dire une utopie.
Mais cet équilibre changeant des forces échappe à Bastiat. Il oublie qu’une certaine distribution de rentes politiques est indispensable à la stabilité du pouvoir, elle-même nécessaire à la défense de la loi et de l’ordre social. Il ne conçoit pas non plus que cet équilibre politique puisse avoir des déterminants objectifs et que, de ce fait, il puisse évoluer dans le temps. Sa faiblesse est de ne pas comprendre la « realpolitk » et sa dynamique autonome. Comme beaucoup de réformateurs il a une vision romantique de la réforme qui résulterait de l’initiative de quelques individus clairvoyants et déterminés dont les analyses soudain prévaudraient sur les erreurs et les illusions supposées de tous les autres acteurs. La puissance du seul raisonnement et de l’expression des idées permettrait ainsi de corriger et de changer en profondeur, et presque à volonté, les réalités sociales. Cette vision partielle, et idéalisée en un sens, de la société politique constitue ainsi à son tour une fiction, c’est-à-dire une utopie.
== Notes ==
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[[wl:Jean-Jacques Rosa]]
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