Différences entre les versions de « L'éthique, un drôle de truc ! »

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En un mot, parmi tous les savoirs possibles, un au moins est indispensable : celui qui nous apprend que certaines choses nous ''conviennent'' et d'autres pas. Certains aliments ne nous conviennent pas, certains comportements et attitudes non plus. A condition, bien entendu, de vouloir rester en vie. Si notre plus cher désir est de trépasser au plus vite, il est chaudement recommandé de boire de l'eau de Javel, ou de s'entourer du plus grand nombre d'ennemis possible. Mais supposons à titre provisoire que nous préférons vivre, et laissons de côté pour le moment les goûts respectables du candidat au suicide. Donc, certaines choses nous conviennent, que nous avons coutume de qualifier de "bonnes", car elle nous font du ''bien'' ; d'autres nous font un ''mal'' fou : nous les qualifions de "mauvaises". Savoir ce qui nous convient, c'est-à-dire distinguer entre le bon et le mauvais, est une connaissance que nous voulons tous acquérir — tous sans exception — car nous y sommes bien obligés.
En un mot, parmi tous les savoirs possibles, un au moins est indispensable : celui qui nous apprend que certaines choses nous ''conviennent'' et d'autres pas. Certains aliments ne nous conviennent pas, certains comportements et attitudes non plus. A condition, bien entendu, de vouloir rester en vie. Si notre plus cher désir est de trépasser au plus vite, il est chaudement recommandé de boire de l'eau de Javel, ou de s'entourer du plus grand nombre d'ennemis possible. Mais supposons à titre provisoire que nous préférons vivre, et laissons de côté pour le moment les goûts respectables du candidat au suicide. Donc, certaines choses nous conviennent, que nous avons coutume de qualifier de "bonnes", car elle nous font du ''bien'' ; d'autres nous font un ''mal'' fou : nous les qualifions de "mauvaises". Savoir ce qui nous convient, c'est-à-dire distinguer entre le bon et le mauvais, est une connaissance que nous voulons tous acquérir — tous sans exception — car nous y sommes bien obligés.


Comme je l'ai signalé, il y a des choses bonnes et d'autres mauvaises pour la santé : il faut savoir ce que nous devons manger, que le feu peut chauffer ou brûler selon les circonstances, que l'eau peut étancher notre soif et nous noyer. Pourtant, rien n'est simple : certaines drogues, par exemple, augmentent notre énergie ou produisent des sensations agréables mais leur abus continu peut être nocif. Elles sont bonnes ''par certains côtés'', mais mauvaises par d'autres : elles nous conviennent et en même temps ne nous conviennent pas. Dans le domaine des relations humaines, ces ambiguités sont encore plus fréquentes. Le mensonge est généralement mauvais car il discrédite le langage — dont nous avons tous besoin pour parler et vivre en société — et dresse les gens les uns contre les autres ; mais il peut être utile ou profitable de mentir pour obtenir un petit avantage. Ou pour accorder une faveur à quelqu'un. Exemple : vaut-il mieux dire la vérité sur son état à un malade atteint d'un cancer incurable, ou le tromper pour qu'il vive ses derniers instants sans angoisse ? Le mensonge ne nous convient pas, il est mauvais, mais il a parfois du bon. Nous avons déjà dit qu'il vaut mieux ne pas chercher la bagarre, mais tolérerons-nous qu'une fille soit violée sous nos yeux sans intervenir, simplement pour éviter de se battre ? Par ailleurs, le type qui dit toujours la vérité — quoi qu'il arrive — est mal vu ; et celui qui intervient dans le style Indiana Jones pour sauver la fille agressée a plus de chance de se retrouver la tête en compote que celui qui rentre tranquillement chez lui en sifflotant. En définitive, le mauvais peut paraître plus ou moins bon, et, dans certaines circonstances, le bon a toutes les apparences du mauvais. Un vrai sac d'embrouille.
Comme je l'ai signalé, il y a des choses bonnes et d'autres mauvaises pour la santé : il faut savoir ce que nous devons manger, que le feu peut chauffer ou brûler selon les circonstances, que l'eau peut étancher notre soif et nous noyer. Pourtant, rien n'est simple : certaines drogues, par exemple, augmentent notre énergie ou produisent des sensations agréables mais leur abus continu peut être nocif. Elles sont bonnes ''par certains côtés'', mais mauvaises par d'autres : elles nous conviennent et en même temps ne nous conviennent pas. Dans le domaine des relations humaines, ces ambiguités sont encore plus fréquentes. Le mensonge est généralement mauvais car il discrédite le langage — dont nous avons tous besoin pour parler et vivre en société — et dresse les gens les uns contre les autres ; mais il peut être utile ou profitable de mentir pour obtenir un petit avantage. Ou pour accorder une faveur à quelqu'un. Exemple : vaut-il mieux dire la vérité sur son état à un malade atteint d'un cancer incurable, ou le tromper pour qu'il vive ses derniers instants sans angoisse ? Le mensonge ne nous convient pas, il est mauvais, mais il a parfois du bon. Nous avons déjà dit qu'il vaut mieux ne pas chercher la bagarre, mais tolérerons-nous qu'une fille soit violée sous nos yeux sans intervenir, simplement pour éviter de se battre ? Par ailleurs, le type qui dit toujours la vérité — quoi qu'il arrive — est mal vu ; et celui qui intervient dans le style Indiana Jones pour sauver la fille agressée a plus de chance de se retrouver la tête en compote que celui qui rentre tranquillement chez lui en sifflotant. En définitive, le mauvais peut paraître plus ou moins bon, et, dans certaines circonstances, le bon a toutes les apparences du mauvais. Un vrai sac d'embrouilles.


Il n'est pas si facile de vivre, car, dans ce domaine, les critères sur ce que nous devons faire peuvent être ''opposés''. En mathématique ou en géographie, il y a des savants et des ignorants, mais les savants sont presque toujours d'accord sur l'essentiel. Pour vivre, en revanche, les opinions sont loins d'être unanimes. Si nous voulons connaître des émotions fortes, nous pouvons choisir la formule 1 ou l'alpinisme ; mais si nous préférons la sécurité et la tranquillité, il vaut mieux aller chercher l'aventure au vidéoclub du coin. Selon l'un, rien n'est plus noble que de vivre pour les autres ; son voisin affirme que le plus utile est d'arriver à convaincre les autres de vivre au service d'un seul ; un troisième trouve que l'essentiel est de gagner de l'argent, un point c'est tout, et certains soutiennent que l'argent sans la santé ni les loisirs, sans affection sincère ni esprit serein, n'a aucun intérêt. Des médecins autorisés prétendent que la suppression du tabac et de l'alcool est un moyen sûr d'allonger la vie, à quoi les fumeurs et ivrognes répliquent que privés de tout il trouveraient évidemment la vie beaucoup plus longue. Etc.
Il n'est pas si facile de vivre, car, dans ce domaine, les critères sur ce que nous devons faire peuvent être ''opposés''. En mathématique ou en géographie, il y a des savants et des ignorants, mais les savants sont presque toujours d'accord sur l'essentiel. Pour vivre, en revanche, les opinions sont loins d'être unanimes. Si nous voulons connaître des émotions fortes, nous pouvons choisir la formule 1 ou l'alpinisme ; mais si nous préférons la sécurité et la tranquillité, il vaut mieux aller chercher l'aventure au vidéoclub du coin. Selon l'un, rien n'est plus noble que de vivre pour les autres ; son voisin affirme que le plus utile est d'arriver à convaincre les autres de vivre au service d'un seul ; un troisième trouve que l'essentiel est de gagner de l'argent, un point c'est tout, et certains soutiennent que l'argent sans la santé ni les loisirs, sans affection sincère ni esprit serein, n'a aucun intérêt. Des médecins autorisés prétendent que la suppression du tabac et de l'alcool est un moyen sûr d'allonger la vie, à quoi les fumeurs et ivrognes répliquent que privés de tout il trouveraient évidemment la vie beaucoup plus longue. Etc.
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