Différences entre les versions de « Murray Rothbard:Les libéraux étatistes »

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==L'affadissement de l'opposition aux impôts==
==L'affadissement de l'opposition aux impôts==


L'opposition aux impôts s'est en fait systématiquement affadie. Le Cato Institute s'est récemment déclaré en faveur de la campagne richement dotée réclamant la suppression de l'impôt sur le revenu pour le remplacer par un impôt sur les ventes. La revendication de le Vieille Droite et des vieux paléos, telle que je me la rappelle depuis mes années de jeunesse, était de supprimer le Sixième amendement et l'impôt sur le revenu, point. La variante actuelle constitue une proposition bien différente. En premier lieu, elle repose sur le slogan que les conservateurs ont hérité des "théoriciens de l'offre" [supply-siders] et qui a été finalement adopté par presque tous les économistes et soi-disants hommes d'État : quoi qu'il arrive, et quelle que soit l'évolution de la législation des impôts, il faudrait que la modification de la loi soit "neutre" quant aux rentrées fiscales, c'est-à-dire que le montant total de la récolte ne doit jamais baisser.
L'opposition aux impôts s'est en fait systématiquement affadie. Le [[:wl:Cato Institute|Cato Institute]] s'est récemment déclaré en faveur de la campagne richement dotée réclamant la suppression de l'impôt sur le revenu pour le remplacer par un impôt sur les ventes. La revendication de le Vieille Droite et des vieux paléos, telle que je me la rappelle depuis mes années de jeunesse, était de supprimer le Sixième amendement et l'impôt sur le revenu, point. La variante actuelle constitue une proposition bien différente. En premier lieu, elle repose sur le slogan que les conservateurs ont hérité des "théoriciens de l'offre" [supply-siders] et qui a été finalement adopté par presque tous les économistes et soi-disants hommes d'État : quoi qu'il arrive, et quelle que soit l'évolution de la législation des impôts, il faudrait que la modification de la loi soit "neutre" quant aux rentrées fiscales, c'est-à-dire que le montant total de la récolte ne doit jamais baisser.


On n'explique jamais comment cet axiome s'inscrit dans la doctrine conservatrice ou libérale, ni pourquoi diable les rentrées fiscales ne devraient pas diminuer. Hein, pourquoi donc ? A la réponse habituelle, qui nous dit que nous devons nous soucier des déficits fédéraux, la réplique appropriée, que plus personne ne fait, est de diminuer fortement les dépenses de l'État. Ce qui exige bien sûr que l'on en revienne à la vieille définition démodée de la "diminution du budget", i.e. une véritable diminution du budget, et non que l'on accepte le sens actuel qui signifie diminution de son "taux de croissance" ou diminution se fondant sur une prédiction de croissance du Congrès ou de la présidence, basée sur des hypothèses inévitablement douteuses. Comme l'a souligné un numéro récent du Free Market, la lettre du Mises Institute, il y a de graves défauts dans cette idée de remplacer l'impôt sur le revenu par un impôt sur les ventes.
On n'explique jamais comment cet axiome s'inscrit dans la doctrine conservatrice ou libérale, ni pourquoi diable les rentrées fiscales ne devraient pas diminuer. Hein, pourquoi donc ? A la réponse habituelle, qui nous dit que nous devons nous soucier des déficits fédéraux, la réplique appropriée, que plus personne ne fait, est de diminuer fortement les dépenses de l'État. Ce qui exige bien sûr que l'on en revienne à la vieille définition démodée de la "diminution du budget", i.e. une véritable diminution du budget, et non que l'on accepte le sens actuel qui signifie diminution de son "taux de croissance" ou diminution se fondant sur une prédiction de croissance du Congrès ou de la présidence, basée sur des hypothèses inévitablement douteuses. Comme l'a souligné un numéro récent du ''Free Market'', la lettre du [[:wl:Mises Institute|Mises Institute]], il y a de graves défauts dans cette idée de remplacer l'impôt sur le revenu par un impôt sur les ventes.


En premier lieu, et contrairement au caractère prétendument "réaliste" et "pragmatique" de cette proposition, elle ne conduirait pas en pratique à la suppression de l'impôt sur le revenu, mais plutôt à l'ajout d'une nouvelle taxe sur les ventes à notre sordide législation fiscale actuelle. En second lieu, si la part "personnelle" de l'impôt sur le revenu était éliminée, la part "patronale" demeurerait. De cette façon, l'abominable Gestapo fiscale resterait intacte et continuerait à examiner les livres de comptes et à s'immiscer dans nos vies. De plus, une taxe de 30% sur les ventes réclamerait également des mesures lourdes pour la faire respecter, de sorte qu'un nouveau service du Ministère des finances devrait rapidement mettre son nez dans les comptes de chaque commerçant du pays. Il ne me semble pas nécessaire d'avoir un doctorat ou un sens théorique très poussé pour prévoir ces conséquences. Ce qui conduit à mettre en doute la bonne foi des partisans de cette réforme.
En premier lieu, et contrairement au caractère prétendument "réaliste" et "pragmatique" de cette proposition, elle ne conduirait pas en pratique à la suppression de l'impôt sur le revenu, mais plutôt à l'ajout d'une nouvelle taxe sur les ventes à notre sordide législation fiscale actuelle. En second lieu, si la part "personnelle" de l'impôt sur le revenu était éliminée, la part "patronale" demeurerait. De cette façon, l'abominable Gestapo fiscale resterait intacte et continuerait à examiner les livres de comptes et à s'immiscer dans nos vies. De plus, une taxe de 30% sur les ventes réclamerait également des mesures lourdes pour la faire respecter, de sorte qu'un nouveau service du Ministère des finances devrait rapidement mettre son nez dans les comptes de chaque commerçant du pays. Il ne me semble pas nécessaire d'avoir un doctorat ou un sens théorique très poussé pour prévoir ces conséquences. Ce qui conduit à mettre en doute la bonne foi des partisans de cette réforme.
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En parlant de bonne foi : l'une des pires histoires de tous les instituts défendant l'économie de marché, ainsi que de tous les journaux et institution libéraux "officiels", fut de soutenir comme de nombreux autres moutons tout le tintouin fait autour de l'ALENA [Accords de Libre-Échange du Nord de l'Amérique, en anglais NAFTA], et désormais en faveur de l'Organisation Mondiale du Commerce. Le Fraser Institute canadien a réussi, sans rencontrer la moindre résistance, à conduire presque tous les instituts libéraux du pays vers ce qu'ils ont appelé le "Réseau de l'ALENA" ["Nafta Network"], qui a consacré des sommes sans précédent à une agitation, une propagande et de prétendues "recherches" sans fin, destinées à faire passer l'ALENA. Et pas seulement les instituts : les ont rejoints un grand nombre de libéraux et de sympathisants du libéralisme que l'on trouve parmi les chroniqueurs, écrivains et experts.
En parlant de bonne foi : l'une des pires histoires de tous les instituts défendant l'économie de marché, ainsi que de tous les journaux et institution libéraux "officiels", fut de soutenir comme de nombreux autres moutons tout le tintouin fait autour de l'ALENA [Accords de Libre-Échange du Nord de l'Amérique, en anglais NAFTA], et désormais en faveur de l'Organisation Mondiale du Commerce. Le Fraser Institute canadien a réussi, sans rencontrer la moindre résistance, à conduire presque tous les instituts libéraux du pays vers ce qu'ils ont appelé le "Réseau de l'ALENA" ["Nafta Network"], qui a consacré des sommes sans précédent à une agitation, une propagande et de prétendues "recherches" sans fin, destinées à faire passer l'ALENA. Et pas seulement les instituts : les ont rejoints un grand nombre de libéraux et de sympathisants du libéralisme que l'on trouve parmi les chroniqueurs, écrivains et experts.


Le développement de ce processus nous a apporté quelques distractions macabres. La ligne suivie au départ par ces libéraux de gauche était la ligne Bush-Clinton : à savoir que l'ALENA favoriserait, et en serait même une condition indispensable, le beau concept de libre-échange, devenu article de foi des Républicains conservateurs lors des présidences Reagan. L'unique opposition à l'ALENA proviendrait donc uniquement d'une alliance constituée de protectionnistes déconcertés ou plus probablement méchants : des responsables syndicaux socialistes, le détestable Ralph Nader, des fabricants nationaux inefficaces à la recherche de tarifs protecteurs et leurs larbins. Pire encore, on y trouve des alliés remplis de haine, protectionnistes, xénophobes, racistes, sexistes et hétérosexistes, tel Pat Buchanan.
Le développement de ce processus nous a apporté quelques distractions macabres. La ligne suivie au départ par ces libéraux de gauche était la ligne Bush-Clinton : à savoir que l'ALENA favoriserait, et en serait même une condition indispensable, le beau concept de [[:wl:Libre-échange|libre-échange]], devenu article de foi des Républicains conservateurs lors des présidences Reagan. L'unique opposition à l'ALENA proviendrait donc uniquement d'une alliance constituée de protectionnistes déconcertés ou plus probablement méchants : des responsables syndicaux socialistes, le détestable Ralph Nader, des fabricants nationaux inefficaces à la recherche de tarifs protecteurs et leurs larbins. Pire encore, on y trouve des alliés remplis de haine, protectionnistes, xénophobes, racistes, sexistes et hétérosexistes, tel Pat Buchanan.


C'est à ce moment que Pat Buchanan fit un coup de maître, déconcertant les forces pro-ALENA. Il attira l'attention sur le fait que des partisans du libre-échange, aussi ardents et puristes que Lew Rockwell, moi-même et le Mises Institute, ou encore les membres du Competitive Enterprise Institute, s'opposaient à l'ALENA parce qu'il s'agit de mesures faussement libérales, qui comprennent de nombreuses restrictions au libre-échange, notamment des contrôles socialistes en ce qui concerne l'emploi et le respect de l'environnement. Et parce que, de plus, ces mesures sont particulièrement dangereuses, ajoutant des restrictions intergouvernementales aux restrictions internationales, et qu'il faudra les faire respecter par de nouvelles organisations intergouvernementales ne devant rendre de compte à personne et certainement pas aux électeurs des nations concernées.
C'est à ce moment que Pat Buchanan fit un coup de maître, déconcertant les forces pro-ALENA. Il attira l'attention sur le fait que des partisans du libre-échange, aussi ardents et puristes que Lew Rockwell, moi-même et le Mises Institute, ou encore les membres du Competitive Enterprise Institute, s'opposaient à l'ALENA parce qu'il s'agit de mesures faussement libérales, qui comprennent de nombreuses restrictions au libre-échange, notamment des contrôles socialistes en ce qui concerne l'emploi et le respect de l'environnement. Et parce que, de plus, ces mesures sont particulièrement dangereuses, ajoutant des restrictions intergouvernementales aux restrictions internationales, et qu'il faudra les faire respecter par de nouvelles organisations intergouvernementales ne devant rendre de compte à personne et certainement pas aux électeurs des nations concernées.
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Celui qui dirige en réalité le Comité national est lui-même un théoricien libéral reconnu. Seule la nostalgie de ses anciennes idées, ou un minimum d'intégrité, l'a empêché d'essayer de répondre à nos critiques. Malheureusement il a dû pour ce faire avoir recours au type d'argument autrefois en vogue dans ces minuscules organisations (véritables sectes) au nom si grandiose, comme le Parti International Révolutionnaire des Travailleurs. A savoir : lui et le Comité national reconnaissent qu'il y a un problème avec l'ALENA, que son organisation bureaucratique internationale pourrait bien signifier des restrictions dépassant ses prétendus caractéristiques libérales. Mais, concluent-ils, il ne faut pas s'en soucier parce que, dans ce cas, le Parti libertarien mettrait tout son poids politique pour arrêter cette dérive. Quel soulagement de savoir que le Parti libertarien se mettra en travers de l'ALENA et de ses inévitables conséquences !
Celui qui dirige en réalité le Comité national est lui-même un théoricien libéral reconnu. Seule la nostalgie de ses anciennes idées, ou un minimum d'intégrité, l'a empêché d'essayer de répondre à nos critiques. Malheureusement il a dû pour ce faire avoir recours au type d'argument autrefois en vogue dans ces minuscules organisations (véritables sectes) au nom si grandiose, comme le Parti International Révolutionnaire des Travailleurs. A savoir : lui et le Comité national reconnaissent qu'il y a un problème avec l'ALENA, que son organisation bureaucratique internationale pourrait bien signifier des restrictions dépassant ses prétendus caractéristiques libérales. Mais, concluent-ils, il ne faut pas s'en soucier parce que, dans ce cas, le Parti libertarien mettrait tout son poids politique pour arrêter cette dérive. Quel soulagement de savoir que le Parti libertarien se mettra en travers de l'ALENA et de ses inévitables conséquences !
==L'alliance des libéraux de gauche et des néoconservateurs==


Lorsque l'alliance "paléo" commença à gagner en influence, nous fûmes pendant un moment la cible de violentes attaques de la part des néoconservateurs, rejoints désormais par les nouveaux "libéraux officiels". Virginia Postrel, éditrice du mensuel Reason, s'est en un sens fait une spécialité des attaques contre la droite proche de Buchanan. Elle la dénonce habituellement pour sa prétendue opposition au "changement" ; en fait elle fait un peu penser aux harpies médiatiques qui faisaient écho aux partisans de Clinton durant la campagne présidentielle, chantant la nécessité du "changement", apparemment changement pour le changement, sans autre but, et qu'elle confond avec une étrange Société des Possibles [Opportunity Society]. La véritable question est toutefois bien de savoir de quel changement il s'agit, pour quoi faire et dans quelle direction ? Les paléos, après tout, sont de grands partisans du changement, d'un changement radical qui plus est. Sauf que mon petit doigt me dit que le changement que nous recherchons - réactionnaire et plein de haine - n'est pas exactement le type de "changement, changement, changement" dont parlent cette éditrice et autres néoconservateurs ou Clintoniens.
Lorsque l'alliance "paléo" commença à gagner en influence, nous fûmes pendant un moment la cible de violentes attaques de la part des néoconservateurs, rejoints désormais par les nouveaux "libéraux officiels". Virginia Postrel, éditrice du mensuel Reason, s'est en un sens fait une spécialité des attaques contre la droite proche de Buchanan. Elle la dénonce habituellement pour sa prétendue opposition au "changement" ; en fait elle fait un peu penser aux harpies médiatiques qui faisaient écho aux partisans de Clinton durant la campagne présidentielle, chantant la nécessité du "changement", apparemment changement pour le changement, sans autre but, et qu'elle confond avec une étrange Société des Possibles [Opportunity Society]. La véritable question est toutefois bien de savoir de quel changement il s'agit, pour quoi faire et dans quelle direction ? Les paléos, après tout, sont de grands partisans du changement, d'un changement radical qui plus est. Sauf que mon petit doigt me dit que le changement que nous recherchons - réactionnaire et plein de haine - n'est pas exactement le type de "changement, changement, changement" dont parlent cette éditrice et autres néoconservateurs ou Clintoniens.
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