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{{Infobox Raymond Boudon}}
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{{titre|Structuralisme|[[Raymond Boudon]] & François Bourricaud|Article du ''Dictionnaire critique de la sociologie'', 1982.}}
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== L'origine de l'analyse structurale ==
== L'origine de l'analyse structurale ==


A l'origine, le structuralisme apparaît comme une tentative méthodologique pour étendre à d'autres sciences sociales les bénéfices de la révolution « structuraliste » telle qu'elle passait pour s'être développée en linguistique. La philologie classique s'était principalement orientée vers la description ''historique'' des langues dans leurs différentes composantes (vocabulaire, syntaxe, etc). Par contraste, la linguistique « structurale » se propose d'analyser la « structure » des langues. L'exemple de la phonologie permet d'illustrer aisément la signification de la notion de structure <ref>cf. article '''Structure''' du ''Dictionnaire critique de la sociologie''</ref> dans ce contexte. La phonologie « classique » se donne pour objectif la détermination des phonèmes (c'est-à-dire des sons élémentaires) des langues. Éventuellement, elle s'efforce de décrire l'évolution de ces phonèmes dans le temps ou leur variation d'une région à l'autre; de comparer les stocks de phonèmes de l'allemand à ceux du français, etc. La phonologie « structurale » se soucie plutôt, quant à elle, d'établir que l'ensemble des phonèmes d'une langue forme un ''système'' cohérent, capable de constituer un support « commode » et économique aux processus de communication. Considérons par exemple les phonèmes de l'anglais. Selon Jakobson, ils représentent tous des combinaisons de 12 « traits distinctifs » binaires élémentaires : « vocalique/non vocalique », « consonnantique/non consonnantique », « grave/aigu », « nasal/oral », « continu/instantané », etc. Ces 12 traits binaires peuvent en théorie donner lieu à 2^12 = 4096 combinaisons ou phonèmes possibles. En réalité, la plupart des langues (dont l'anglais) n'utilisent que quelques dizaines de phonèmes au total. Naturellement, les phonèmes réels ne représentent pas une « sélection » aléatoire des phonèmes possibles : ils représentent un « système » de combinaisons distinctifs élémentaires dont la phonologie structurale se propose précisément d'analyser la « stucture » <ref>cf. article '''Structure''' et '''Système''' du ''Dictionnaire ...''</ref>.
A l'origine, le structuralisme apparaît comme une tentative méthodologique pour étendre à d'autres sciences sociales les bénéfices de la révolution « structuraliste » telle qu'elle passait pour s'être développée en linguistique. La philologie classique s'était principalement orientée vers la description ''historique'' des langues dans leurs différentes composantes (vocabulaire, syntaxe, etc). Par contraste, la linguistique « structurale » se propose d'analyser la « structure » des langues. L'exemple de la phonologie permet d'illustrer aisément la signification de la notion de structure <ref>cf. article '''[[Raymond Boudon:Structure|Structure]]''' du ''Dictionnaire critique de la sociologie''</ref> dans ce contexte. La phonologie « classique » se donne pour objectif la détermination des phonèmes (c'est-à-dire des sons élémentaires) des langues. Éventuellement, elle s'efforce de décrire l'évolution de ces phonèmes dans le temps ou leur variation d'une région à l'autre; de comparer les stocks de phonèmes de l'allemand à ceux du français, etc. La phonologie « structurale » se soucie plutôt, quant à elle, d'établir que l'ensemble des phonèmes d'une langue forme un ''système'' cohérent, capable de constituer un support « commode » et économique aux processus de communication. Considérons par exemple les phonèmes de l'anglais. Selon Jakobson, ils représentent tous des combinaisons de 12 « traits distinctifs » binaires élémentaires : « vocalique/non vocalique », « consonnantique/non consonnantique », « grave/aigu », « nasal/oral », « continu/instantané », etc. Ces 12 traits binaires peuvent en théorie donner lieu à 2^12 = 4096 combinaisons ou phonèmes possibles. En réalité, la plupart des langues (dont l'anglais) n'utilisent que quelques dizaines de phonèmes au total. Naturellement, les phonèmes réels ne représentent pas une « sélection » aléatoire des phonèmes possibles : ils représentent un « système » de combinaisons distinctifs élémentaires dont la phonologie structurale se propose précisément d'analyser la « stucture » <ref>cf. article '''[[Raymond Boudon:Structure|Structure]]''' et '''Système''' du ''Dictionnaire ...''</ref>.


La distinction entre phonologie « classique » et phonologie « structurale » et plus généralement, entre linguistique « classique » et linguistique « structurale » retrouve dans le domaine de l'étude des langues des distinctions familières et anciennes, explicitement ou implicitement reconnues par plusieurs sciences sociales. Ainsi on peut analyser les institutions sociales de manière descriptive. Mais on peut aussi s'interroger sur la structure du système constitué par l'ensemble des institutions d'une société. Cette perspective, qu'on peut appeler ''structurelle'', est par exemple celle qu'adopte [[Charles de Montesquieu|Montesquieu]] dans ''L'esprit des lois'' : régimes politiques, institutions juridiques, organisation sociale et familiale tendent, selon Montesquieu, à former des touts cohérents, des « structures » comme on dirait aujourd'hui, excluant nombre de combinaisons possibles d'un point de vue strictement combinatoire, mais difficilement concevables d'un point de vue sociologique. Il faut toutefois souligner que Montesquieu <ref>cf. article '''Montesquieu''' du ''Dictionnaire ...''</ref> se garde d'affirmer que les divers éléments d'un système social s'impliquent les uns les autres de façon nécessaire : que certaines combinaisons soient exclues n'entraîne pas que les combinaisons réalisées et observables soient d'une rigoureuse cohérence. On retrouve la même perspective chez [[Alexis de Tocqueville|Tocqueville]] : ''L'Ancien Régime et la Révolution'' montre comment le caractère centralisé de l'administration française a rendu le « système » social et politique français très différent dans sa structure du système anglais. Si on se tourne vers des auteurs modernes, on observe par exemple la même perspective chez Murdock. Dans ''Social Structure'' cet auteur a montré, à partir de données concernant un ensemble de sociétés archaïques que les règles de résidence (matrilocale, patrilocale, etc.) de transmission du patrimoine, de filiation (patrilinéaire, matrilinéaire, etc.), les règles relatives de la prohibition de l'inceste, le vocabulaire utilisé pour désigner les divers types de relation de parenté, etc., constituent des « structures » au sens où elles sont des combinaisons non aléatoires, un type de règle de résidence ayant par exemple plus de chance d'être associé à un certain type de règle de filiation et à certaines institutions matrimoniales qu'à d'autres. Mais, chez Murdock comme chez Montesquieu, on a affaire à une conception ''minimaliste'' plutôt que ''maximaliste'' de la cohérence des systèmes institutionnels sont donc assimilables, non à des implications ''strictes'' de type logique (si A, alors B), mais à des implications ''faibles'' de type stochastique (si A, alors plus souvent B). Autre exemple : l'opposition sociologique classique — et qui ne va pas sans poser des problèmes — entre sociétés « traditionnelles » et sociétés « modernes » peut être considérée comme un exemple d'analyse « structurelle » : les deux types de sociétés sont caractérisés ou supposés être caractérisés par des ensembles de traits qui s'opposent terme à terme.
La distinction entre phonologie « classique » et phonologie « structurale » et plus généralement, entre linguistique « classique » et linguistique « structurale » retrouve dans le domaine de l'étude des langues des distinctions familières et anciennes, explicitement ou implicitement reconnues par plusieurs sciences sociales. Ainsi on peut analyser les institutions sociales de manière descriptive. Mais on peut aussi s'interroger sur la structure du système constitué par l'ensemble des institutions d'une société. Cette perspective, qu'on peut appeler ''structurelle'', est par exemple celle qu'adopte [[Charles de Montesquieu|Montesquieu]] dans ''L'esprit des lois'' : régimes politiques, institutions juridiques, organisation sociale et familiale tendent, selon Montesquieu, à former des touts cohérents, des « structures » comme on dirait aujourd'hui, excluant nombre de combinaisons possibles d'un point de vue strictement combinatoire, mais difficilement concevables d'un point de vue sociologique. Il faut toutefois souligner que Montesquieu <ref>cf. article '''[[Raymond Boudon:Montesquieu|Montesquieu]]''' du ''Dictionnaire ...''</ref> se garde d'affirmer que les divers éléments d'un système social s'impliquent les uns les autres de façon nécessaire : que certaines combinaisons soient exclues n'entraîne pas que les combinaisons réalisées et observables soient d'une rigoureuse cohérence. On retrouve la même perspective chez [[Alexis de Tocqueville|Tocqueville]] : ''L'Ancien Régime et la Révolution'' montre comment le caractère centralisé de l'administration française a rendu le « système » social et politique français très différent dans sa structure du système anglais. Si on se tourne vers des auteurs modernes, on observe par exemple la même perspective chez Murdock. Dans ''Social Structure'' cet auteur a montré, à partir de données concernant un ensemble de sociétés archaïques que les règles de résidence (matrilocale, patrilocale, etc.) de transmission du patrimoine, de filiation (patrilinéaire, matrilinéaire, etc.), les règles relatives de la prohibition de l'inceste, le vocabulaire utilisé pour désigner les divers types de relation de parenté, etc., constituent des « structures » au sens où elles sont des combinaisons non aléatoires, un type de règle de résidence ayant par exemple plus de chance d'être associé à un certain type de règle de filiation et à certaines institutions matrimoniales qu'à d'autres. Mais, chez Murdock comme chez Montesquieu, on a affaire à une conception ''minimaliste'' plutôt que ''maximaliste'' de la cohérence des systèmes institutionnels sont donc assimilables, non à des implications ''strictes'' de type logique (si A, alors B), mais à des implications ''faibles'' de type stochastique (si A, alors plus souvent B). Autre exemple : l'opposition sociologique classique — et qui ne va pas sans poser des problèmes — entre sociétés « traditionnelles » et sociétés « modernes » peut être considérée comme un exemple d'analyse « structurelle » : les deux types de sociétés sont caractérisés ou supposés être caractérisés par des ensembles de traits qui s'opposent terme à terme.


Tous ces travaux relèvent de ce qu'on peut appeler l'analyse ''structurelle''. Dans tous les cas, il s'agit de montrer qu'un ensemble d'institutions caractéristiques d'une société constitue une « structure » au sens où cet ensemble doit être analysé comme une combinaison non aléatoire d'éléments. Dans le domaine de la phonologie, l'analyse structurelle consiste bien, de même, à montrer que les phonèmes d'une langue constitue une combinaison non aléatoire de traits distinctifs. La linguistique dite « structurale », c'est-à-dire celle qui adopte une perspective « structurelle », ne représente donc en aucune façon une innovation méthodologique radicale. La « révolution » qu'elle a accomplie, si révolution il y a, consiste plutôt dans l'application à un domaine particulier, celui des langues, d'une perspective que des disciplines comme la sociologie et l'économie avaient traditionnellement utilisée. Comme M. Jourdain faisait de la prose, Montesquieu et Tocqueville avaient, sans le savoir, appliqué l'analyse « structurelle » à la sociologie ou, comme on peut dire encore, pratiqué une sociologie « structurale ». Le fait que, par différence avec les expressions « linguistique structurale » ou « anthropologie structurale », des expressions comme « économie structurale » ou « sociologie structurale » ne se soient pas imposées, suffit peut-être à indiquer que la perspective de l'analyse structurelle est traditionnelle dans ces deux disciplines.
Tous ces travaux relèvent de ce qu'on peut appeler l'analyse ''structurelle''. Dans tous les cas, il s'agit de montrer qu'un ensemble d'institutions caractéristiques d'une société constitue une « structure » au sens où cet ensemble doit être analysé comme une combinaison non aléatoire d'éléments. Dans le domaine de la phonologie, l'analyse structurelle consiste bien, de même, à montrer que les phonèmes d'une langue constitue une combinaison non aléatoire de traits distinctifs. La linguistique dite « structurale », c'est-à-dire celle qui adopte une perspective « structurelle », ne représente donc en aucune façon une innovation méthodologique radicale. La « révolution » qu'elle a accomplie, si révolution il y a, consiste plutôt dans l'application à un domaine particulier, celui des langues, d'une perspective que des disciplines comme la sociologie et l'économie avaient traditionnellement utilisée. Comme M. Jourdain faisait de la prose, Montesquieu et Tocqueville avaient, sans le savoir, appliqué l'analyse « structurelle » à la sociologie ou, comme on peut dire encore, pratiqué une sociologie « structurale ». Le fait que, par différence avec les expressions « linguistique structurale » ou « anthropologie structurale », des expressions comme « économie structurale » ou « sociologie structurale » ne se soient pas imposées, suffit peut-être à indiquer que la perspective de l'analyse structurelle est traditionnelle dans ces deux disciplines.
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Les contraintes qui s'imposent à l'anthropologie étudiant des mythes archaïques ou au phonologue leur interdisent en second lieu d'analyser les mythes ou systèmes phonétiques comme des produits de l'''activité humaine'' (ce qu'ils ''sont'' pourtant à l'évidence). La métaphysique structuraliste, procédant ici encore par généralisation et par réification, tire de ces conditions particulières une proposition méthodologique et une proposition ontologique. ''Proposition méthodologique'' : les phénomènes sociaux sont le produit ou la manifestation de structures et ne sauraient être analysés comme le résultat de l'action des hommes. ''Proposition ontologique'' : seules les structures ont une existence « réelle »; les individus sont de simples apparences ou de purs « supports de structures ». Ils n'ont d'intérêt que dans la mesure où ils permettent aux structures de se manifester. Et lorsque les individus ne sont pas réduits à être des « supports de structures » et sont décrits par le sociologue structuraliste comme étant capables de comportements « stratégiques » (mot souvent abusivement tenu pour synonyme de « intentionnel »), on ne tarde pas à découvrir que ces comportements intentionnels ne sauraient qu'aboutir à la reproduction des structures ou, selon les passions idéologiques du sociologue, à leur évolution dans une direction prescrite par le sens de l'Histoire. Adam Smith et Darwin ne sont, selon Foucault, que des manifestations particulières de la « structure épistémique » de leur temps. Le « moi » qui tenait un rôle fondamental dans la trilogie classique de Freud (''surmoi'', ''moi'', ''ça'') disparaît, comme l'a montré Turkle, dans la version structuraliste que Lacan a donnée de la doctrine psychanalytique. L'individu devient selon Lacan le simple support des structures inconscientes qui l'habitent (le ''ça''). Les agents sociaux de la sociologie d'inspiration structuraliste sont de même, quant à eux, de simples supports ou, au mieux, des truchements consentants ou aveugles, à travers lesquels s'expriment, se réalisent, se reproduisent ou évoluent les structures sociales. Quant aux « structures sociales », elles sont généralement réduites à quelques variables arbitrairement choisies, dont on suppose qu'elles dominent l'ensemble des variables caractérisant le système social. Sur ce point encore il importe de noter le contraste avec un auteur comme Tocqueville : la « centralisation administrative » n'est pas posée ''a priori'' comme une variable essentielle. Son importance est au contraire démontrée ''a posteriori''. Par contraste, les variables de stratification, elles-mêmes condensées dans la distinction sommaire classe dominante / classe dominée, sont ''a priori'' posées par les sociologues structuralistes comme les variables essentielles. On peut par exemple ignorer l'existence de l'État puisqu'il est entendu qu'il est nécessairement au service de la classe dominante. <ref>cf. article '''État''' du ''Dictionnaire ...''</ref>.
Les contraintes qui s'imposent à l'anthropologie étudiant des mythes archaïques ou au phonologue leur interdisent en second lieu d'analyser les mythes ou systèmes phonétiques comme des produits de l'''activité humaine'' (ce qu'ils ''sont'' pourtant à l'évidence). La métaphysique structuraliste, procédant ici encore par généralisation et par réification, tire de ces conditions particulières une proposition méthodologique et une proposition ontologique. ''Proposition méthodologique'' : les phénomènes sociaux sont le produit ou la manifestation de structures et ne sauraient être analysés comme le résultat de l'action des hommes. ''Proposition ontologique'' : seules les structures ont une existence « réelle »; les individus sont de simples apparences ou de purs « supports de structures ». Ils n'ont d'intérêt que dans la mesure où ils permettent aux structures de se manifester. Et lorsque les individus ne sont pas réduits à être des « supports de structures » et sont décrits par le sociologue structuraliste comme étant capables de comportements « stratégiques » (mot souvent abusivement tenu pour synonyme de « intentionnel »), on ne tarde pas à découvrir que ces comportements intentionnels ne sauraient qu'aboutir à la reproduction des structures ou, selon les passions idéologiques du sociologue, à leur évolution dans une direction prescrite par le sens de l'Histoire. Adam Smith et Darwin ne sont, selon Foucault, que des manifestations particulières de la « structure épistémique » de leur temps. Le « moi » qui tenait un rôle fondamental dans la trilogie classique de Freud (''surmoi'', ''moi'', ''ça'') disparaît, comme l'a montré Turkle, dans la version structuraliste que Lacan a donnée de la doctrine psychanalytique. L'individu devient selon Lacan le simple support des structures inconscientes qui l'habitent (le ''ça''). Les agents sociaux de la sociologie d'inspiration structuraliste sont de même, quant à eux, de simples supports ou, au mieux, des truchements consentants ou aveugles, à travers lesquels s'expriment, se réalisent, se reproduisent ou évoluent les structures sociales. Quant aux « structures sociales », elles sont généralement réduites à quelques variables arbitrairement choisies, dont on suppose qu'elles dominent l'ensemble des variables caractérisant le système social. Sur ce point encore il importe de noter le contraste avec un auteur comme Tocqueville : la « centralisation administrative » n'est pas posée ''a priori'' comme une variable essentielle. Son importance est au contraire démontrée ''a posteriori''. Par contraste, les variables de stratification, elles-mêmes condensées dans la distinction sommaire classe dominante / classe dominée, sont ''a priori'' posées par les sociologues structuralistes comme les variables essentielles. On peut par exemple ignorer l'existence de l'État puisqu'il est entendu qu'il est nécessairement au service de la classe dominante. <ref>cf. article '''État''' du ''Dictionnaire ...''</ref>.


Le structuralisme (non au sens où le prend Piaget, celui d'« analyse structurelle », mais au sens où nous le prenons ici de dérapage métaphysique à partir de l'« analyse structurelle »), le structuralisme est, on l'a dit, un mouvement d'idée diffus qui s'est surtout développé en France. Pourquoi ? D'abord parce que le déclin de l'existentialisme vers la fin des années 50 laissait le champ libre à une nouvelle mode philosophique, que le Tout-Paris intellectuel paraît manifester une demande permanente en matière de modes philosophiques, et qu'il n'existe de structure équivalente au Tout-Paris intellectuel ni en Angleterre, ni en Allemagne, ni en Italie, ni aux États-Unis par exemple (Clark). Ensuite parce que le structuralisme pouvait se parer du prestige scientifique dont bénéficièrent pendant un temps les découvertes de la linguistique et de l'anthropologie. Enfin, parce qu'un certain nombre d'auteurs de talent surent composer d'habiles synthèses verbales (ré)interprétant dans le langage structuraliste les textes sacrés de Freud, de Marx, de Nietzsche et de quelques autres. Mais si le structuralisme est une spécialité locale qui n'a guère fait tache d'huile et a pu être décrit par F. Alberoni, un observateur italien familier de la scène culturelle française, comme une illustration de l'« arroganza della cultura francese », c'est essentiellement que, en dépit des virtuosités verbales qui ont contribués à son succès et de la vocation que par définition il affiche à la « profondeur », il représente, dans ses formes métaphysiques, une régression intellectuelle. Comment, en gommant la marge d'autonomie laissée à l'agent ou à l'acteur social par les structures, en subsistant des typologies sommaires à la diversité des types sociaux, en ramenant la complexité structurelle des systèmes d'interdépendance et d'interaction à quelques variables auxquelles on accorde un primat arbitraire (variables de stratification par exemple), en accordant une inconditionnelle suprématie au « synchronique » par rapport d'« diachronique », peut-on espérer faire progresser la connaissance des systèmes et processus sociaux ?
Le structuralisme (non au sens où le prend Piaget, celui d'« analyse structurelle », mais au sens où nous le prenons ici de dérapage métaphysique à partir de l'« analyse structurelle »), le structuralisme est, on l'a dit, un mouvement d'idée diffus qui s'est surtout développé en France. Pourquoi ? D'abord parce que le déclin de l'existentialisme vers la fin des années 50 laissait le champ libre à une nouvelle mode philosophique, que le Tout-Paris intellectuel paraît manifester une demande permanente en matière de modes philosophiques, et qu'il n'existe de structure équivalente au Tout-Paris intellectuel ni en Angleterre, ni en Allemagne, ni en Italie, ni aux États-Unis par exemple (Clark). Ensuite parce que le structuralisme pouvait se parer du prestige scientifique dont bénéficièrent pendant un temps les découvertes de la linguistique et de l'anthropologie. Enfin, parce qu'un certain nombre d'auteurs de talent surent composer d'habiles synthèses verbales (ré)interprétant dans le langage structuraliste les textes sacrés de Freud, de Marx, de Nietzsche et de quelques autres. Mais si le structuralisme est une spécialité locale qui n'a guère fait tache d'huile et a pu être décrit par F. Alberoni, un observateur italien familier de la scène culturelle française, comme une illustration de l'« arroganza della cultura francese », c'est essentiellement que, en dépit des virtuosités verbales qui ont contribués à son succès et de la vocation que par définition il affiche à la « profondeur », il représente, dans ses formes métaphysiques, une régression intellectuelle. Comment, en gommant la marge d'autonomie laissée à l'agent ou à l'acteur social par les structures, en subsistant des typologies sommaires à la diversité des types sociaux, en ramenant la complexité structurelle des systèmes d'interdépendance et d'interaction à quelques variables auxquelles on accorde un primat arbitraire (variables de stratification par exemple), en accordant une inconditionnelle suprématie au « synchronique » par rapport au « diachronique », peut-on espérer faire progresser la connaissance des systèmes et processus sociaux ?




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