Différences entre les versions de « Friedrich A. Hayek:La politique du desperado »

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== La destruction de l'économie de marché ==
== La destruction de l'économie de marché ==


l'économie de marché risque d'être sapée dans ses fondements par intervention systématique de l'Etat car elle perturbe l'information transmise par le marché et elle provoque une dynamique d'accroissement continuel de la place de l'Etat.
L'économie de marché risque d'être sapée dans ses fondements par l'intervention systématique de l'Etat car elle perturbe l'information transmise par le marché et elle provoque une dynamique d'accroissement continuel de la place de l'Etat.


=== L'intervention perturbatrice : le problème de l'information ===
=== L'intervention perturbatrice : le problème de l'information ===


chez Hayek, les prix qui se forment sur un marché libre transmettent à l'individu les informations qui lui seront nécessaires pour prendre ses décisions. Ils déterminent une révision des plans qui favorise la coordination entre les individus. Ils facilitent l'adaptation aux circonstances changeantes.
Chez Hayek, les prix qui se forment sur un marché libre transmettent à l'individu les informations qui lui seront nécessaires pour prendre ses décisions. Ils déterminent une révision des plans qui favorise la coordination entre les individus. Ils facilitent l'adaptation aux circonstances changeantes.


En intervenant, l'Etat fausse l'information transmise. Il perturbe le processus de coordination entre les individus. Il limite la capacité d'adaptation de l'économie. Pour illustrer ce point, nous pourrions prendre n'importe quel type d'intervention de l'Etat que ce soit une intervention fiscale, les mesures protectionnistes, l'instauration d'un salaire minimum ou des mesures de contrôle des prix. Dans tous les cas, directement ou indirectement, les prix de marché seront perturbés. Considérons, par exemple, un produit alimentaire dont la demande baisse de façon inattendue. Supposons que l'Etat, pour garantir les revenus des producteurs, décide de soutenir le prix du produit dont la demande a baissée en achetant les stocks invendus. Le prix auxquels seront confrontés les producteurs ne leur transmettra plus d'informations sur les décisions des consommateurs. Ils ne seront donc pas incités à investir dans la qualité ou à s'orienter vers de nouvelles productions. C'est intervention sur un marché aura ainsi des effets sur les autres marchés puisque les entreprises qui auraient fourni des biens permettant d'améliorer la qualité ne seront pas sollicités. En outre les produits dont la fabrication aurait pu être stimulée par la réorientation de l'activité ne bénéficieront pas de ce changement. Leur prix resteront identique. Ce n'est donc pas uniquement le prix du bien qui est soutenu qui ne varie pas, ce sont les prix de tout un ensemble de bien liés directement ou indirectement au premier. C'est ainsi l'économie entière qui ne s'adapte plus aux circonstances changeantes.
En intervenant, l'Etat fausse l'information transmise. Il perturbe le processus de coordination entre les individus. Il limite la capacité d'adaptation de l'économie. Pour illustrer ce point, nous pourrions prendre n'importe quel type d'intervention de l'Etat que ce soit une intervention fiscale, les mesures protectionnistes, l'instauration d'un salaire minimum ou des mesures de contrôle des prix. Dans tous les cas, directement ou indirectement, les prix de marché seront perturbés. Considérons, par exemple, un produit alimentaire dont la demande baisse de façon inattendue. Supposons que l'Etat, pour garantir les revenus des producteurs, décide de soutenir le prix du produit dont la demande a baissée en achetant les stocks invendus. Le prix auxquels seront confrontés les producteurs ne leur transmettra plus d'informations sur les décisions des consommateurs. Ils ne seront donc pas incités à investir dans la qualité ou à s'orienter vers de nouvelles productions. Cette intervention sur un marché aura ainsi des effets sur les autres marchés puisque les entreprises qui auraient fourni des biens permettant d'améliorer la qualité ne seront pas sollicitées. En outre les produits dont la fabrication aurait pu être stimulée par la réorientation de l'activité ne bénéficieront pas de ce changement. Leurs prix resteront identiques. Ce n'est donc pas uniquement le prix du bien qui est soutenu qui ne varie pas, ce sont les prix de tout un ensemble de bien liés directement ou indirectement au premier. C'est ainsi l'économie entière qui ne s'adapte plus aux circonstances changeantes.


On pourrait bien entendu considérer que l'entrepreneur sait que le prix de son produit est soutenu artificiellement par l'Etat et qu'il intègre ce phénomène dans sa décision. L'intervention n'en est pas rendue plus efficace, bien au contraire. D'une part, le producteur ne sait pas dans quelle mesure exacte le prix est soutenu. Il ne peut toujours pas obtenir une information précise sur les désirs des consommateurs. D'autre part, il peut maintenant douter de la permanence du soutien de l'Etat. Celui-ci ne peut-il être soumis à d'autres groupes de pressions (certains consommateurs par exemple) qui le conduiraient à remettre en cause sa décision ? L'intervention de l'Etat ne réduit donc pas l'incertitude. Elle l'accroît.
On pourrait bien entendu considérer que l'entrepreneur sait que le prix de son produit est soutenu artificiellement par l'Etat et qu'il intègre ce phénomène dans sa décision. L'intervention n'en est pas rendue plus efficace, bien au contraire. D'une part, le producteur ne sait pas dans quelle mesure exacte le prix est soutenu. Il ne peut toujours pas obtenir une information précise sur les désirs des consommateurs. D'autre part, il peut maintenant douter de la permanence du soutien de l'Etat. Celui-ci ne peut-il être soumis à d'autres groupes de pressions (certains consommateurs par exemple) qui le conduiraient à remettre en cause sa décision ? L'intervention de l'Etat ne réduit donc pas l'incertitude. Elle l'accroît.
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===Une dérive vers le socialisme===
===Une dérive vers le socialisme===


C'est là que réside l'impossibilité d'une troisième voie entre socialisme du capitalisme. L'interventionnisme ne peut en effet se maintenir à un niveau constant d'action de l'Etat. Il conduit nécessairement à un accroissement du rôle des pouvoirs publics. Cet accroissement n'a pas de limites et, si rien n'est fait pour empêcher le processus d'aller à son terme, le capitalisme marchand est remplacé par le socialisme planificateur dans lequel à l'Etat central dirige activité économique et limite la liberté individuelle. La société de marché est remplacée par le totalitarisme. Pourquoi une telle évolution est-elle inévitable ?
C'est là que réside l'impossibilité d'une troisième voie entre socialisme et capitalisme. L'interventionnisme ne peut en effet se maintenir à un niveau constant d'action de l'Etat. Il conduit nécessairement à un accroissement du rôle des pouvoirs publics. Cet accroissement n'a pas de limites et, si rien n'est fait pour empêcher le processus d'aller à son terme, le capitalisme marchand est remplacé par le socialisme planificateur dans lequel à l'Etat central dirige l'activité économique et limite la liberté individuelle. La société de marché est remplacée par le totalitarisme. Pourquoi une telle évolution est-elle inévitable ?


La raison essentielle réside pour les Autrichiens dans l'inefficacité incontournable de l'Etat. Celui-ci ne peut atteindre ses objectifs et, Mises insiste sur ce point, le résultat obtenu rend la situation pire « du propre point de vue du pouvoir et de ceux qui appuient l'intervention ». Les agents économiques ne sont pas, en effet, passifs à l'égard de l'action publique et c'est ce qui la rend inefficace. Prenons un exemple. Supposons un gouvernement qui considère un bien essentiel aux individus. Il souhaite alors que ce bien soit accessible à tous et impose un prix maximum. Ce prix est inférieur à celui d'un marché non entravé. La demande est alors supérieure à l'offre et puisque le prix ne permet plus d'ajuster les souhaits des acheteurs et des vendeurs, il y aura pénurie. C'est alors l'Etat ou l'administration qui décidera quels groupes ou quels individus pourront bénéficier de ce bien. C'est lui qui décidera de la règle de rationnement. Ce n'est cependant qu'un premier effet du contrôle des prix. Le second provient de la réaction des producteurs. Si le prix est limité, cela signifie que les profits seront réduits. Certains s'orienteront donc vers la production d'autres biens. La production du ou des biens dont le prix est contrôlé baissera. La situation de pénurie sera aggravée. En voulant favoriser la diffusion de bien au plus grand nombre, l'Etat aura obtenu l'effet inverse : la quantité produite sera réduite. Un même phénomène se produit lorsque l'Etat augmente les impôts. Cette augmentation réduit la production de bien taxés puisqu'elle accroît les prix. Ainsi il y aura un taux d'imposition au-delà duquel la recette fiscale baisse. Comme le soutien Mises : « les prélèvements sur le capital, les droits de transmission en matière de succession et de biens fonciers, les impôts sur le revenu seront d'eux-mêmes destructeurs de leur propre assiette lorsque leur taux est exagéré » (1985, p. 778).
La raison essentielle réside pour les Autrichiens dans l'inefficacité incontournable de l'Etat. Celui-ci ne peut atteindre ses objectifs et, Mises insiste sur ce point, le résultat obtenu rend la situation pire « du propre point de vue du pouvoir et de ceux qui appuient l'intervention ». Les agents économiques ne sont pas, en effet, passifs à l'égard de l'action publique et c'est ce qui la rend inefficace. Prenons un exemple. Supposons un gouvernement qui considère un bien essentiel aux individus. Il souhaite alors que ce bien soit accessible à tous et impose un prix maximum. Ce prix est inférieur à celui d'un marché non entravé. La demande est alors supérieure à l'offre et puisque le prix ne permet plus d'ajuster les souhaits des acheteurs et des vendeurs, il y aura pénurie. C'est alors l'Etat ou l'administration qui décidera quels groupes ou quels individus pourront bénéficier de ce bien. C'est lui qui décidera de la règle de rationnement. Ce n'est cependant qu'un premier effet du contrôle des prix. Le second provient de la réaction des producteurs. Si le prix est limité, cela signifie que les profits seront réduits. Certains s'orienteront donc vers la production d'autres biens. La production du ou des biens dont le prix est contrôlé baissera. La situation de pénurie sera aggravée. En voulant favoriser la diffusion de bien au plus grand nombre, l'Etat aura obtenu l'effet inverse : la quantité produite sera réduite. Un même phénomène se produit lorsque l'Etat augmente les impôts. Cette augmentation réduit la production de biens taxés puisqu'elle accroît les prix. Ainsi, il y aura un taux d'imposition au-delà duquel la recette fiscale baisse. Comme le soutien Mises : « les prélèvements sur le capital, les droits de transmission en matière de succession et de biens fonciers, les impôts sur le revenu seront d'eux-mêmes destructeurs de leur propre assiette lorsque leur taux est exagéré » (1985, p. 778).


Ces arguments sont loin être originaux. Ils ont été développés par tous les courants qui défendent le libéralisme. Mais Mises et Hayek leur font jouer un rôle particulier. Selon eux, l'Etat est forcé d'accroître son contrôle de l'économie pour essayer de compenser son propre échec. Lorsque les recettes fiscales baisseront du fait d'un taux excessif, les pouvoirs publics ou bien augmenteront à nouveau les impôts (ce qui accroît la part de l'Etat dans la richesse nationale), ou bien chercheront à se financer à travers la création monétaire (ce qui provoque une mauvaise orientation de la production). Paradoxalement, l'Etat interventionniste crée les conditions de sa propre légitimation à travers les échecs de ses actions. Le fonctionnement des marchés perturbés s'accompagne de chômage, d'insuffisance de certaines productions, d'inflation, etc.. Or ces mots économiques, qui résultent pour Mises et Hayek de l'intervention publique, sont considérés par les individus comme des défaillances de l'économie de marché. Une régulation plus forte de l'économie s'en trouve justifiée. Il y a bien un processus d'accroissement du rôle de l'Etat, un processus qui se renforce de lui-même et qui ne trouve son aboutissement que dans le remplacement de l'économie de marché par le socialisme.
Ces arguments sont loin d'être originaux. Ils ont été développés par tous les courants qui défendent le libéralisme. Mais Mises et Hayek leur font jouer un rôle particulier. Selon eux, l'Etat est forcé d'accroître son contrôle de l'économie pour essayer de compenser son propre échec. Lorsque les recettes fiscales baisseront du fait d'un taux excessif, les pouvoirs publics ou bien augmenteront à nouveau les impôts (ce qui accroît la part de l'Etat dans la richesse nationale), ou bien chercheront à se financer à travers la création monétaire (ce qui provoque une mauvaise orientation de la production). Paradoxalement, l'Etat interventionniste crée les conditions de sa propre légitimation à travers les échecs de ses actions. Le fonctionnement des marchés perturbés s'accompagne de chômage, d'insuffisance de certaines productions, d'inflation, etc. Or ces mots économiques, qui résultent pour Mises et Hayek de l'intervention publique, sont considérés par les individus comme des défaillances de l'économie de marché. Une régulation plus forte de l'économie s'en trouve justifiée. Il y a bien un processus d'accroissement du rôle de l'Etat, un processus qui se renforce de lui-même et qui ne trouve son aboutissement que dans le remplacement de l'économie de marché par le socialisme.


==Un appauvrissement masqué==
==Un appauvrissement masqué==
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