Philippe Simonnot:Déficit du social ? Non, de la pensée !

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Philippe Simonnot
né en 1939
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Auteur anarcho-capitaliste
Citations
« Je pense que si Constitution il doit y avoir, elle doit être de type hayékien, c’est-à-dire le moins possible soumise aux aléas de la politique conjoncturelle et forgée sur des principes garantissant les libertés individuelles, la liberté des échanges et les droits de propriété. »
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Philippe Simonnot:Déficit du social ? Non, de la pensée !
Déficit du social ? Non, de la pensée !


Anonyme


Aujourd'hui traité de «boutiquier» alors qu'il avait été porté aux nues par les médias lors de son intronisation à Matignon, M. Jean-Pierre Raffarin est voué aux gémonies. On fait porter au premier ministre la responsabilité d'une déroute électorale non encore confirmée à l'heure où nous écrivons ces lignes. Naïveté impardonnable, faute suprême, il aurait espéré et même cru que les Français ne profiteraient pas du premier scrutin à leur portée, fût-il régional, pour manifester leur exaspération...

Cette recherche d'un bouc émissaire fait oublier l'une des constances les plus remarquables de la vie politique française depuis quasiment deux décennies. Ce n'est pas son moindre défaut.


En effet, depuis l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981, Jacques Chirac, trois fois porté au pouvoir par un succès électoral incontestable, a eu l'opportunité de remettre, par des réformes, la France sur la voie d'une croissance économique durable et juste. Deux fois l'expérience s'est terminée par un échec politique. La première, en 1986 : M. Chirac à Matignon conduit une action qui mène tout droit à la réélection triomphale, deux ans plus tard, de son rival à l'Elysée. La deuxième, en 1995 : enfin élu président de la République, il perd les élections législatives de 1997 qu'il avait lui-même provoquées et se trouve obligé de nommer M. Jospin à Matignon, lequel mènera une politique économique calamiteuse.

Nous pourrions bien être en train de vivre la troisième occurrence : moins de deux ans après l'élection triomphale de mai 2002, la gauche est ressuscitée, qui avait été terrassée. Dès lors, il est à craindre que les réformes non entreprises avant le 21 mars, avorteront après le 28 mars.

Comment expliquer une telle constance dans le fiasco ? La politique menée serait-elle trop «libérale» et pas assez «sociale» comme on l'entend dire ici et là, à gauche bien sûr, mais aussi à droite ? A cause de ce déficit du «social» serait-elle rejetée par le peuple «qui a toujours raison», ainsi que le proclame M. Sarkozy ?

Jugeons sur pièces le dernier exemple de cette étrange conduite d'échec.

M. Raffarin ne manque pas une occasion de se glorifier d'avoir enfin accompli la réforme des retraites que son prédécesseur, M. Jospin, s'était bien gardé d'entreprendre. Mais on ne peut guère qualifier cette réforme de «libérale» : elle a surtout consisté à sauver d'une faillite inéluctable, en le rafistolant, le régime de répartition instauré, on ne le rappellera jamais assez, par le maréchal Pétain en 1941. Encore le financement de ce sauvetage repose-t-il sur l'escompte d'un taux de chômage de 4,5% en 2010, miracle fort peu plausible comme on le verra ci-dessous. Pour ne rien dire des coûteux privilèges maintenus dans les retraites du secteur public et les régimes spéciaux.

Autre titre de gloire du bilan Raffarin : la réduction de l'impôt sur le revenu. On doit reconnaître au premier ministre le mérite d'avoir maintenu ce cap avec courage et ténacité. Au niveau record d'impôts et de prélèvements que subissent les Français, tout euro abandonné par l'Etat dans la poche du contribuable est forcément mieux employé que s'il était resté dans les caisses du Trésor public. En même temps, les cotisations sociales à l'assurance-chômage, certains impôts et la fiscalité locale ont augmenté. Comme si le fisc reprenait vite d'une main ce qu'il lâchait de l'autre.

Sur le travail continue de porter le gros du prélèvement collectif. Comment s'étonner que le chômage reste dans notre pays à un niveau scandaleusement élevé quelle que soit la conjoncture, et que la part du travail précaire augmente inexorablement ?

Le gouvernement a certes essayé de réduire les incitations directes à ne pas travailler (allocations chômage et autres...) avec le risque de provoquer un contentieux gigantesque sur le non-respect par les Assedic et l'Unedic de leurs engagements. Il a voulu aussi augmenter les encouragements à chercher un emploi par la création du revenu minimum d'activité (RMA). Dans la même veine, il a haussé fortement le smig pour augmenter l'attrait du travail par rapport au non-travail, mais se rendait-il compte que par cette augmentation du salaire minimum il accroissait mécaniquement le chômage ? On peut en douter. De même a-t-il à peine écorné les 35 heures tueuses de vrais emplois. La réforme, pourtant inéluctable, du Code du travail est encore dans les limbes. En même temps, les déficits publics se sont accrus et la dette publique atteint un niveau record, obligeant la France à ne pas respecter les engagements internationaux qu'elle a signés. En quoi ces politiques sont-elles «libérales» ?


Il est extravagant que nos gouvernants soient accusés par des intellectuels au rancart et des économistes dévoyés d'obéir à une pensée unique qui serait «libérale», voire «ultralibérale», et que l'on prétende avec la même impudence que la France serait soumise à la «dictature des marchés» alors même que 44% du PIB sont collectivisés (non comprises les charges toujours plus lourdes du remboursement de la dette publique). S'il y a une pensée dominante, sinon unique dans notre pays, c'est bien la pensée social-démocrate. Elle pèse de tout son poids et depuis longtemps sur le cerveau de M. Chirac et sur son entourage. Elle explique ses deux premiers échecs. Elle pourrait être la cause du troisième. Car, s'il s'agit de perpétuer la social-démocratie, on peut s'attendre que nombre d'électeurs préfèrent voter pour l'original socialiste.

Peut-on d'ailleurs parler d'une pensée, terme qui suppose une certaine logique, quand l'on ne prend pas le moyen qui permettrait d'atteindre la fin que l'on affiche : une société juste et prospère. Et ce moyen, on s'excuserait presque de le rappeler, est le respect des lois du marché. Il est vrai que cette pensée du «social» retrouverait sa cohérence si sa fin véritable était avouée : protéger les avantages acquis. L'Etat est difficile à réformer, à réduire, car à mesure qu'il enfle il multiplie les clientèles qui, dépendant de ses subsides, s'opposent au moindre changement.

Il est un mot que l'on a fort peu entendu durant cette campagne. Ce mot, c'est «liberté», inscrit au fronton de nos monuments publics. Il appartient aux «valeurs de la République» que l'on prétend pourtant défendre.

Non par hasard, la liberté est en tête de la devise nationale. Car sans liberté, l'égalité tourne à l'égalitarisme totalitaire ; et la fraternité n'est plus prise en charge que par un Etat-providence, actuellement en faillite virtuelle et dans l'incapacité de tenir ses promesses.

wl:Philippe Simonnot

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