Ludwig von Mises:Biographie

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Ludwig von Mises
1881-1973
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Auteur minarchiste
Citations
« Le marxisme et le national-socialisme ont en commun leur opposition au libéralisme et le rejet de l'ordre social et du régime capitaliste. Les deux visent un régime socialiste. »
« Les gens qui se battent pour la libre entreprise ne défendent pas les intérêts de ceux qui se trouvent aujourd'hui être riches. »
« À la base de toutes les doctrines totalitaires se trouve la croyance que les gouvernants sont plus sages et d'un esprit plus élevé que leurs sujets, qu'ils savent donc mieux qu'eux ce qui leur est profitable. »
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Ludwig von Mises:Biographie
Biographie de Mises


Anonyme
Analyse de Philippe Simonnot


Extrait du Monde

AUBURN (Alabama) de notre envoyé spécial

Ils sont plus d’une centaine à être venus des quatre coins des États-Unis, du Canada, d’Amérique latine, d’Europe, mais aussi de Singapour, de Tokyo, de Hongkong et de Brunei. Pour la plupart, des étudiants, et une poignée d’hommes d’affaires. Pourquoi se sont-ils retrouvés ici, à Auburn, cette modeste ville du sud-est des États-Unis peuplée de quelque 40 000 habitants. En temps ordinaire, la moitié de la population est constituée des étudiants de l’université d’Auburn. Mais, l’été, ce campus est vide. La chaleur est étouffante. Les quelques bars à bière ferment à 9 heures du soir. « Je m’ennuie tellement le dimanche que je suis allé à la messe », confie l’un de ces étranges pèlerins. Certes, il avait l’embarras du choix, car Auburn compte une église ou une chapelle à chaque coin de rue…

Plus étrange encore, ces pèlerins viennent suivre des cours d’« économie autrichienne » sur tous les sujets classiques (monnaie, banque, entreprise, prix, salaires, profit, cycle, environnement, etc.) dans l’université d’été organisée, pour la dix-huitième année, par l’Institut Ludwig-von-Mises – un élégant bâtiment flambant neuf à l’extérieur du campus de l’université d’Auburn et sans rapport avec elle. Qu’est-ce que l’Autriche vient faire ici ? Le nom de Mises n’est connu que de quelques spécialistes. Comment peut-il se faire qu’un institut porte ce nom à des milliers de kilomètres de Vienne, la ville d’origine de Mises ? Comment peut-il attirer tant de zèle, tant de ferveur ? Et pourquoi est-il aujourd’hui au coeur de la pensée libertarienne américaine, voire mondiale ?

Cette histoire extraordinaire commence le 15 mars 1938, date de l’entrée des troupes allemandes en Autriche. Ou plutôt la veille même de l’Anschluss : un des commandos hitlériens dirigés par Himmler avait forcé la porte de l’appartement de Ludwig von Mises à Vienne pour empaqueter dans des caisses livres, dossiers, manuscrits et tous les objets de valeur qu’ils pouvaient ramasser – sauf Mises lui-même et sa femme, qui avaient déjà fui.

Le jour même de l’entrée de l’armée allemande à Paris, en juin 1940, des hitlériens se précipitèrent de la même façon dans le laboratoire des Curie. Mais, cette fois, il s’agissait de s’emparer du secret de l’atome. Rien de tel deux ans plus tôt chez Mises. Il était si peu reconnu dans son pays qu’il devait travailler à l’Institut des hautes études internationales de Genève. Que pouvait donc chercher l’avant-garde nazie ?

Il est vrai que Mises s’était fait connaître dans les cercles académiques en 1920 par un article qui démontrait l’impossibilité pour une économie socialiste d’éviter la faillite totale. Ainsi peut-on dire maintenant que Mises a été le tout premier à prévoir la chute du mur de Berlin. Le raisonnement est simple : toute planification implique des calculs économiques, lesquels ne peuvent se fonder que sur des prix réels. Or des prix réels ne peuvent procéder que d’échanges volontaires. De tels échanges impliquent que les échangistes soient propriétaires de ce qu’ils échangent. Or, dans une économie socialiste, les biens de production sont collectivisés. Donc aucun prix réel ne peut émaner de leurs échanges, et par conséquent aucun calcul économique n’est possible et les erreurs d’investissement sont inévitables. L’article de 1920 avait déclenché toute une polémique, car beaucoup d’économistes, même non socialistes, croyaient possible le calcul économique dans une économie collectiviste.

La démonstration de Mises ne pouvait certes plaire aux nazis, qui avaient des prétentions de planification économique. Ce qui, à leurs yeux, empirait son cas, c’est qu’avec une acuité remarquable ils pressentaient qu’il était le plus authentique rejeton de l’« école autrichienne » fondée au siècle précédent par Carl Menger, et continuée par Eugen Böhm-Bawerk. Ce courant de pensée avait donné un fondement scientifique à la théorie subjective de la valeur. « La valeur est en nous, non dans les choses », résumera Mises. Aussi bien le métier de l’économiste est-il d’expliquer à l’homme ce qu’il fait, non ce qu’il doit faire. Il essaie d’expliquer le prix du tabac, de l’alcool, de la marijuana, non leurs bienfaits ou leurs méfaits. Rien à voir avec la « valeur-travail » issue de l’école anglaise (Adam Smith, Ricardo), reprise par Marx. Rien à voir non plus avec l’économie positiviste professée en Allemagne, et qui s’enfonçait dans l’impasse de l’historicisme, en entassant des montagnes de « faits historiques » irréductibles les uns aux autres.

Ludwig von Mises
1881 Naissance dans la ville austro-hongroise de Lemberg. A 19 ans, il est admis à l’université de Vienne où il obtient son doctorat huit ans plus tard.
1912 Publication de sa Théorie sur la monnaie et le crédit, l’une de ses principales contributions à la pensée économique qui lui vaut une réputation européenne. Autres travaux importants : Economie nationale (1940), Problèmes épistémologiques de l’économie (1933), Economie nationale (1940), Fondements ultimes de la science économique (1962).
1973 Décès à l’hôpital Saint-Vincent de New York. Ludwig von Mises avait obtenu la nationalité américaine en 1946.

En fait, les nazis avaient, ce 15 mars 1938, mis la main sur un véritable trésor de la pensée économique, mais ils ne pouvaient en faire que ce qu’ils en ont fait : le transporter quelque part en Allemagne dans un wagon plombé.

Circonstance aggravante, Mises était juif, et le fait que son grand père avait été anobli par l’empereur François-Joseph en 1881, le jour même de la naissance de Ludwig, ne changeait évidemment rien aux yeux des nazis (l’écusson de l’Institut Mises n’est autre que le blason de la famille Mises après son anoblissement).

Au moment où les hitlériens saccagent son appartement viennois, Mises et sa femme sont déjà à Genève, où ils essaient de commencer une nouvelle vie. Mais la défaite de la France en mai-juin 1940 les convainc que l’ensemble de l’Europe risque de tomber sous la coupe nazie. Et ils tentent, avec d’autres juifs, dont l’économiste Charles Kindleberger, de rejoindre l’Espagne par bus pour ensuite gagner l’Amérique. Le bus est arrêté en France, en zone non occupée. Mises téléphone au professeur Louis Rougier, qu’il connaissait pour l’avoir rencontré dans des congrès scientifiques avant la guerre. Rougier joue un rôle mystérieux à Vichy, chargé d’une « mission secrète » à Londres auprès de Churchill, mission qui n’aboutira à rien. Toujours est-il que, le lendemain du coup de téléphone, tous les juifs du bus arrêté obtiennent un visa pour l’Amérique, via l’Espagne et le Portugal.

Mises, lorsqu’il débarque à New York, a près de 60 ans. Le moins que l’on puisse dire est que l’accueil académique lui est chichement mesuré. L’« école autrichienne » est alors considérée comme un objet de musée. Keynes est au sommet de sa gloire, et le keynésianisme, pratiqué un peu partout dans le monde, y compris aux Etats-Unis et en Allemagne. Ce n’est que grâce à une bourse de la Fondation Rockefeller qu’il obtient un poste de visiting professor au National Bureau of Economic Research. La bourse est valable pour un an. Elle est renouvelée deux fois. En 1943, on lui fait comprendre d’aller exercer ses talents ailleurs. C’est une autre fondation, le Fonds William Volker, qui finance son poste de visiting professor à l’université de New York fin 1945, « peuplée, comme on l’a dit, par une majorité écrasante de nullités », où il tiendra un séminaire jusqu’en 1969. Il trouvera aussi une aide précieuse auprès de la Foundation for Economic Education (FEE) lancée en 1946 par Leonard Read, un champion de la levée de fonds (fund raising) auprès d’éventuels donateurs.

Toutes ces aides permettent à Mises de publier en 1949 son chefd’oeuvre en anglais, Human Action, où, dans la lignée de l’« école autrichienne », il fonde une nouvelle science économique, nommée praxéologie. Elle est totalement axiomatico-déductive en ce qu’elle déduit la théorie économique du fait que l’homme ne peut pas faire autrement que de faire des choix. Du coup, la science économique est définitivement séparée des sciences de la nature. Exemple : par le raisonnement le plus rigoureux, on peut démontrer qu’une augmentation de la masse monétaire aboutit forcément à une hausse des prix. Mais cette proposition est invérifiable dans les faits, les conditions d’une expérience de laboratoire n’étant jamais réunies. De même, le cercle que conçoit le géomètre ne se trouve pas dans la nature. Pourtant, il est utile de connaître ses propriétés. Et il est tout aussi utile pour l’action de connaître les propriétés de la monnaie telles qu’elles résultent de l’analyse praxéologique.

Pages correspondant à ce thème sur les projets liberaux.org :

L’un des économistes qui assiste au séminaire de Mises est Murray Rothbard. A 24 ans, cet étudiant surdoué travaille à une version populaire de Human Action, grâce à une bourse du fonds Volker. Le résultat sera le monumental Man, Economy and State, qui, en approfondissant la théorie subjective de la valeur, va donner logique et fondement économiques au mouvement libertarien. Quand Mises meurt, en 1973, Rothbard apparaît son héritier spirituel. Auteur prolifique, agitateur politique, il fonde en 1982, avec la bénédiction de la veuve de Mises et l’aide de Lew Rockwell, libertarien catholique et, lui aussi, champion du fund raising, l’Institut Ludwigvon- Mises, qui va se consacrer à l’enseignement « autrichien » de l’économie.

En mai 1997, divine surprise : les papiers de Mises (quelque 20 000 pièces couvrant la période 1900-1938) ont été retrouvés, parfaitement conservés, à Moscou, dans les archives rapportées en 1945 d’Allemagne par les troupes soviétiques. Plusieurs chercheurs se précipitent. Une copie de ce trésor se trouve à Auburn, dans le bureau même de Jörg Guido Hulsmann, l’un des jeunes professeurs de l’institut. Une autre est entre les mains de Richard Eberling, qui vient d’être nommé président de la FEE. Chacun d’entre eux prépare, concurremment, une biographie de l’économiste autrichien. La redécouverte de celui qui pourrait bien apparaître comme le plus grand économiste du XXe siècle ne fait que commencer.

Philippe Simonnot

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